Le salarié dispose en principe, au nom de la liberté du travail, de la possibilité d’exercer une activité concurrente de celle de son ancien employeur. Si durant l’exécution du contrat de travail, l’obligation de loyauté le lui interdit, il en est libéré dès la rupture de celui-ci.

Il est possible aux parties de prévoir exceptionnellement une clause de non-concurrence, qui restreindra de façon limitée (sur les plans temporel, géographique et professionnel) la liberté du travail du salarié. Cette clause prendra effet à la rupture du contrat de travail la contenant.

Or le salarié dispensé par l’employeur de l’exécution de son préavis, est « libre de tout engagement » selon la formule consacrée, et ce dès la notification de la lettre de licenciement (ou de l’acceptation expresse par l’employeur de la dispense de préavis de démission). Par conséquent c’est à cette date qu’est fixé le départ effectif du salarié, même si l’employeur est autorisé à verser l’indemnité compensatrice de préavis (correspondant au salaire normalement dû pendant son exécution) mensuellement à terme échu.

C’est donc aussi à cette date que l’employeur doit commencer à verser l’indemnité de non-concurrence obligatoire, et que le salarié doit respecter l’interdiction de s’engager dans une activité concurrente. L’arrêt ci-dessous reproduit illustre cette précision.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 27 mars 2024 (pourvoi n° 22-15.662, inédit)

Mme [F] [X], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-15.662 contre l’arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d’appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Atos immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 13 janvier 2022), Mme [X] a été engagée en qualité de négociateur immobilier par la société Atos immobilier le 2 juin 2014. Le contrat de travail stipulait une clause de non-concurrence.

2. La salariée a démissionné le 6 septembre 2017 et a été dispensée d’exécution de son préavis par l’employeur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l’arrêt de la condamner à verser à l’employeur des sommes à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail et en restitution de la contrepartie financière, et de rejeter sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts, alors « que le salarié dispensé d’effectuer son préavis est en droit de prétendre dès son départ effectif de l’entreprise au versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ; qu’en l’espèce, pour faire droit aux demandes de l’employeur contre la salariée pour violation de la clause de non-concurrence et rejeter la demande reconventionnelle de la salariée, la cour d’appel a affirmé que si la clause de non-concurrence s’applique lors du départ du salarié en cas de dispense de préavis, la contrepartie doit être versée par l’employeur après la rupture du contrat de travail, et non pendant son exécution » et a retenu qu’à la suite de sa démission du 6 septembre 2017, Mme [X] qui a été dispensée d’exécution du préavis à compter du 27 septembre 2017 était tenue de respecter dès la date de son départ effectif la clause de non-concurrence convenue, tandis que l’employeur devait lui payer après le 6 décembre 2017, terme du contrat, l’indemnité stipulée », de sorte que la salariée était mal fondée à se prévaloir d’un défaut de paiement de la contrepartie financière, l’employeur ayant réglé une indemnité de non-concurrence à partir de décembre 2017 ; qu’en statuant ainsi, cependant que la salariée dispensée d’effectuer son préavis à compter du 27 septembre 2017 était en droit de prétendre au versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence dès cette date, de sorte qu’elle était bien fondée à se prévaloir d’un défaut de paiement de la contrepartie financière due par l’employeur, la cour d’appel a violé le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, ensemble l’article L. 1121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1121-1 du code du travail et l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. Il résulte de ces textes qu’en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise.

5. Pour condamner la salariée au remboursement de la contrepartie financière et au paiement de dommages-intérêts pour non respect de la clause de non-concurrence, l’arrêt retient que la salariée, qui a été dispensée d’exécution du préavis par lettre du 26 septembre 2017, était tenue de respecter dès la date de son départ effectif la clause de non-concurrence convenue, tandis que l’employeur devait lui payer après le 6 décembre 2017, terme du contrat, l’indemnité stipulée.

6. Il ajoute que l’employeur a réglé l’indemnité de non-concurrence en décembre 2017, février et mars 2018, que la salariée ne peut donc se prévaloir d’un défaut de paiement de la contrepartie financière et qu’elle a violé la clause de non-concurrence en faisant immatriculer le 25 janvier 2018 une société qui a démarré son activité au 1er mars 2018 après qu’elle a obtenu la carte professionnelle délivrée par la CCI du Gers le 8 février 2018.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)