Avant même la grande réforme de la santé au travail de 2021, le salarié avait déjà la possibilité de solliciter du médecin du travail l’organisation d’une visite médicale à son profit. Son inaptitude physique, avec ou sans recommandation de reclassement, peut alors être constatée.

Par ailleurs, l’avis d’inaptitude établi par le médecin du travail, n’interdit pas au salarié d’être placé à nouveau en arrêt-maladie. La cour de cassation opère la synthèse dans l’arrêt reproduit ci-dessous, en constatant que le salarié qui demande l’organisation d’une visite médicale pendant un arrêt-maladie, et donc le cas échéant avant toute reprise, peut être déclaré inapte physiquement, la procédure de licenciement pouvant alors être engagée par l’employeur.

Cela permet donc au salarié de ne pas attendre le délai de 60 jours d’arrêt-maladie continu pour demander l’organisation d’une telle visite médicale. Cela pourrait aussi autoriser l’employeur à solliciter cette visite, sous réserve toutefois de l’accord du salarié, qui n’est pas contraint de se soumettre à l’examen du médecin du travail sauf dans les cas imposés par la Loi.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 24 mai 2023 (pourvoi n° 22-10.517, publié au Bulletin)

M. [H] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-10.517 contre l’arrêt rendu le 20 avril 2021 par la cour d’appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l’opposant à la société Axima concept, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement secondaire sis [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Metz, 20 avril 2021), M. [F] a été engagé en qualité de soudeur le 2 mai 1997 par la société Sprink’r, aux droits de laquelle vient la société Axima concept, à la suite d’un plan de cession totale du 3 octobre 2017.

2. Le salarié, placé en arrêt maladie le 2 novembre 2017, a sollicité un examen médical au terme duquel le médecin du travail l’a déclaré inapte le 13 novembre 2017.

3. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 19 décembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de l’ensemble de ses demandes, alors « que le médecin du travail ne peut pas constater l’inaptitude du salarié à son poste de travail à l’issue d’une visite médicale, demandée par ce salarié pendant la suspension de son contrat de travail en raison d’un arrêt de travail pour maladie ; que pour juger que le licenciement de monsieur [H] [F] pour inaptitude à son poste de travail, dispensant de recherche de reclassement, reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a considéré que l’examen demandé par le salarié visé à l’article R. 4624-34 du code du travail pouvait constituer l’examen médical à l’issue duquel le médecin du travail pouvait constater l’inaptitude tel que visé à l’article R. 4624-42 du code du travail, peu important que cet examen soit réalisé durant un arrêt de travail du salarié ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 4624-1, alinéa 6 et R. 4624-34, L. 1226-2-1 et R. 4624-29 à R. 4624-32 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l’article L. 4624-4 du code du travail, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur.

6. L’article R. 4624-34 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, dispose qu’indépendamment des examens d’aptitude à l’embauche et périodiques ainsi que des visites d’information et de prévention, le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail et que le travailleur peut solliciter notamment une visite médicale, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste à l’occasion d’un examen réalisé à la demande de celui-ci sur le fondement de l’article R. 4624-34 du code du travail, peu important que l’examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail.

8. L’arrêt constate, d’abord, que dans l’avis d’inaptitude établi le 14 novembre 2017, le médecin du travail a visé l’article R. 4624-34 du code du travail pour la visite et l’article L. 4624-4 du même code pour l’avis d’inaptitude lui-même.

9. Il relève, ensuite, que cet avis mentionne que le salarié a été déclaré inapte après une visite médicale qui s’est tenue le 13 novembre 2017 de 16h20 à 17h30, suivie d’une étude de poste et des conditions de travail et d’un échange avec l’employeur menés par le médecin du travail et que la dernière actualisation de la fiche d’entreprise a pour date le 24 avril 2015.

10. La cour d’appel en a exactement déduit que l’inaptitude avait été régulièrement constatée.

11. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)