La règlementation sociale impose en Europe un repos hebdomadaire au profit des salariés ; en France, ce repos de 24 heures consécutives est en principe accordé le dimanche. Pour des raisons culturelles héritées des religions chrétiennes, en effet, l’activité économique diminue le dimanche ; sur ce point, il s’agit donc de combiner la protection de la santé des travailleurs et la régulation de la compétition concurentielle entre les entreprises d’une même branche.

Bien entendu le Code du travail prévoit de nombreuses exceptions à l’obligation de repos dominical. Certains secteurs ou zones d’activité en sont ainsi exonérés par principe ; mais toute entreprise peut solliciter une autorisation administrative ponctuelle, sous conditions, pour pouvoir faire travailler ses salariés le dimanche.

Par ailleurs le repos dominical n’est imposé qu’au profit des salariés. Par conséquent les travailleurs indépendants n’y sont pas soumis ; en revanche le cas échéant, une décision municipale ou préfectorale peut interdire telle ou telle activité pour des raisons économiques : ainsi l’ouverture des commerces de détail peut-elle être localement règlementée.

La Cour de cassation a eu l’occasion, dans le litige qui lui était soumis dans l’arrêt ci-dessous reproduit, de revenir sur l’articulation des mécanismes régissant le repos hebdomadaire dominical. En l’espèce l’employeur tendait à voir juger la non-conformité des dispositions légales au regard du Droit communautaire, en arguant du besoin social et économique de faire travailler les salariés d’un commerce de détail à prédominance alimentaire le dimanche après 13h00.

En effet la Direction ayant choisi de respecter des préconisations religieuses, accordait le repos hebdomadaire le samedi ; or si la règlementation sociale autorise dans cette branche le travail du dimanche, c’est donc uniquement en principe jusqu’à 13h00. L’employeur passait outre, et ce malgré les injonctions de l’Administration du travail.

La Chambre sociale condamne ce comportement, et confirme la conformité du Droit national aux normes européennes. Ainsi la protection des travailleurs constitue une raison impérieuse d’intérêt général permettant de restreindre de façon proportionée la liberté d’entreprendre et l’exercice de l’activité économique.

Par ailleurs l’interdiction de faire travailler les salariés le dimanche, ne conduit pas en elle-même à interdire l’ouverture des magasins ou l’activité des travailleurs indépendants le dimanche. Enfin la Cour de Justice de l’Union Européenne laisse aux Etats-membres le soin d’imposer le cas échéant le repos dominical, en raison pour chacun « de la diversité des facteurs culturels, ethniques et religieux« .

La Cour de cassation constate par conséquent que le Droit du travail national est bien conforme. Elle rappelle de plus qu’en l’espèce, l’employeur n’avait pas sollicité de dérogation auprès de l’Administration du travail, comme il lui est possible de le faire.

Un point reste toutefois encore à préciser : la société employeur invoquait une discrimination religieuse indirecte, quant à l’obligation de respecter le repos dominical sans autoriser d’autres modalités de fixation du repos hebdomadaire. La Cour de cassation rejette le moyen, au motif qu’une personne morale ne peut se prévaloir d’une telle discrimination.

On pourrait donc attendre que la Chambre sociale finalise son interprétation. Il est toutefois peu probable qu’un nouveau contentieux, émanant d’un employeur personne physique, soit porté jusqu’en cassation, au vu de la motivation de cette décision.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, du 15 mai 2024 (pourvoi n° 22-23.399, publié au Bulletin)

La société Distribution Voltaire, exerçant sous l’enseigne Franprix-Cachershop, société par actions simplifiée, dont le
siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-23.399 contre l’arrêt rendu le 27 octobre 2022 par la cour d’appel de
Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l’opposant :
1°/ au syndicat Sud commerces et service Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à l’union syndicale CGT du commerce de la distribution et des services de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 5],
3°/au Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ au Syndicat commerce indépendant démocratique, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à Mme [F] [V], prise en qualité d’inspectrice du travail de l’unité de contrôle des 3e, 4e et 11e arrondissements de
[Localité 7], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
(…)
Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2022), rendu en matière de référé, l’inspecteur du travail des 3e, 4e et 11e
    arrondissements de [Localité 7] a saisi le juge des référés d’un tribunal de grande instance afin qu’il soit fait interdiction à la société Distribution Voltaire (la société), commerce de détail alimentaire exclusivement casher exerçant son activité
    sous l’enseigne Franprix-Cachershop, d’employer des salariés le dimanche après 13 heures dans le magasin [Adresse 2] à [Localité 8] et ce, sous astreinte par infraction constatée.
  2. Le syndicat Sud commerces et services Île-de-France (SUD), l’union syndicale CGT du commerce, de la distribution et
    des services de [Localité 7], le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels (SECI) et le Syndicat
    commerce indépendant et démocratique (SCID) sont intervenus volontairement à l’instance.
  3. Par ordonnance du 12 novembre 2019, le juge des référés a transmis à la Cour de cassation une question prioritaire
    de constitutionnalité. Par arrêt du 12 février 2020 (Soc., 12 février 2020, pourvoi n° 19-40.035, publié), la Cour de
    cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question.
    La demande de saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne
  4. La société demande que les questions suivantes soient transmises à la Cour de justice de l’Union européenne :
    « 1°/ Les dispositions combinées des articles R. 1455-6 et L. 3132-13 du code du travail, qui permettent au juge des
    référés d’interdire sous astreinte, sur le fondement de la cessation d’un trouble manifestement illicite, à un commerce de détail alimentaire exclusivement casher d’employer des salariés le dimanche après 13 heures, alors que le magasin, afin d’être considéré comme conforme aux lois de la  »Cacherout » et de recevoir la clientèle à laquelle ses produits sont
    destinés, est déjà tenu de fermer le samedi pour des raisons religieuses tenant au suivi du shabbat, ne sont-elles pas
    incompatibles avec le principe d’égalité de traitement et la prohibition de la discrimination indirecte fondée sur la
    religion, garantis notamment par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne et l’article 21 de la Charte des droits
    fondamentaux de l’Union européenne, d’une part, et la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 16 de la même
    Charte, d’autre part ?
    2°/ Les dispositions de l’article 5 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, combinées avec celles de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, notamment ses articles 1er et 2, lues à la lumière de l’article du Traité sur l’Union européenne et des articles 16 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’opposentelles à une législation telle que celle issue des articles R. 1455-6 et L. 3132-13 du code du travail, permettant à un juge des référés d’interdire sous astreinte, sur le fondement de la cessation d’un trouble prétendument manifestement illicite, à un commerce de détail alimentaire exclusivement casher d’employer des salariés le dimanche après 13 heures, alors que le magasin afin d’être considéré comme conforme aux lois de la  »Cacherout » et de recevoir la clientèle à laquelle ses produits sont destinés, est déjà tenu de fermer le samedi pour des raisons religieuses tenant au suivi du shabbat ? »

    Réponse de la Cour
  5. S’agissant de la première question préjudicielle suggérée, l’article L. 3132-13 du code du travail constitue l’application
    dans les commerces de détail alimentaire des prescriptions de l’article 5 de la directive 2003/88/CE du Parlement
    européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail,
    lesquelles obligent les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours
    d’une période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles
    s’ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l’article 3 de la directive.
  6. L’article L. 3132-13 du code du travail sur le fondement duquel l’arrêt attaqué a été rendu mettant en oeuvre le droit
    de l’Union au sens de l’article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il en résulte que celle-ci
    est applicable.
  7. Aux termes de l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux, la liberté d’entreprendre est reconnue conformément
    au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales.
  8. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la protection conférée par cette dernière disposition comporte la
    liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (CJUE, 22 janvier 2013, Sky Österreich, C-283/11, § 42).
  9. S’il résulte de l’arrêt rendu par la CJUE le 21 décembre 2016 (CJUE, 21 décembre 2016, AGET Iraklis, C-201/15) que la
    société est fondée à invoquer cette disposition devant le juge national à l’encontre de l’inspecteur du travail,
    représentant de l’Etat, il convient de souligner que la CJUE a néanmoins rappelé que l’article 52, paragraphe 1, de la
    Charte admet que des limitations puissent être apportées à l’exercice de droits consacrés par celle-ci, pour autant que
    ces limitations sont prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel desdits droits et libertés et que, dans le
    respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt
    général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (voir, notamment, CJUE, 31 janvier 2013, Mc Donagh, C-12/11, § 61).
  10. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, figure, parmi les raisons impérieuses d’intérêt
    général reconnues par cette Cour, la protection des travailleurs (voir, notamment, arrêts du 23 novembre 1999, Arblade
    e.a., C-369/96 et C-376/96, § 36 ; du 13 décembre 2005, SEVIC Systems, C-411/03, point 28, ainsi que du 11 décembre
    2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, C-438/05, § 77).
  11. Il ressort de cette jurisprudence, qu’eu égard au libellé de l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux, la liberté
    d’entreprendre peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir,
    dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (CJUE, 22 janvier 2013, Sky Österreich, C-
    283/11, § 46).
  12. Il en résulte que si une législation telle que celle issue des articles R. 1455-6 et L. 3132-13 du code du travail, en vertu
    de laquelle un juge des référés peut interdire sous astreinte, sur le fondement de la cessation d’un trouble
    manifestement illicite, à un commerce de détail alimentaire exclusivement casher d’employer des salariés le dimanche
    après 13 heures, est constitutive d’une ingérence dans l’exercice de la liberté d’entreprendre et, en particulier, de la
    liberté contractuelle dont disposent les entreprises, notamment à l’égard des travailleurs qu’elles emploient, aux termes
    d’une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, la liberté d’entreprendre n’apparaît pas
    comme une prérogative absolue, mais doit être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société (voir,
    notamment, CJUE, 22 janvier 2013, Sky Österreich, C-283/11, § 45).
  13. Or, aux termes de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux, tout travailleur a droit à des périodes de repos
    journalier et hebdomadaire. Selon la Cour de justice de l’Union européenne, en établissant le droit de chaque travailleur
    à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4
    novembre 2003 précise le droit fondamental expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et doit, par conséquent, être interprétée à la lumière de cet article 31, paragraphe 2 (voir, en ce sens, CJUE, 2 mars 2023, IH c/ MÁVSTART Vasúti Személyszállító Zrt., C-477/21 ; CJUE, 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija, C-344/19, § 27).
  14. Il convient également de relever que l’obligation de ne pas employer de salariés le dimanche, après 13 heures, n’a
    aucunement pour conséquence d’exclure, par sa nature même, toute possibilité pour l’entreprise d’exploiter son
    commerce alimentaire durant cette période, dès lors qu’il vise uniquement au respect du repos hebdomadaire lequel
    participe d’un objectif de protection non seulement des travailleurs pris individuellement mais également des liens
    familiaux et sociaux.
  15. Partant, il ne saurait être considéré qu’un tel dispositif affecte le contenu essentiel de la liberté d’entreprendre.
  16. Aux termes de l’article 21, § 1, de la Charte des droits fondamentaux, reconnu d’effet direct, est interdite toute
    discrimination fondée, notamment, sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.
  17. Il résulte du libellé de cette disposition qu’elle n’est pas invocable par une personne morale.
  18. Enfin, l’article 6 du Traité sur l’Union européenne, qui dispose que l’Union reconnaît les droits, les libertés et les
    principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux, que l’Union adhère à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et que les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par cette Convention et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux, a un caractère programmatique et ne confère pas aux particuliers des droits invocables devant un juge national.
  19. S’agissant de la seconde question préjudicielle suggérée, l’article 5 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen
    et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui oblige les
    Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours d’une période de sept
    jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures
    de repos journalier prévues à l’article 3 de la directive, reconnaît des droits aux travailleurs et ne saurait être invoqué par un employeur en tant que tel, l’article 1er de la directive  » Objet et champ d’application  » disposant qu’elle fixe des
    prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.
  20. Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé (CJUE, 12 novembre 1996, Royaume-Uni contre Conseil, aff. C-
    84/94, § 37) que, s’agissant de l’article 5, deuxième alinéa, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993
    concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il convient de relever que, si la question de l’inclusion éventuelle du dimanche dans la période de repos hebdomadaire est certes laissée, en définitive, à l’appréciation des États membres, compte tenu, notamment, de la diversité des facteurs culturels, ethniques et religieux dans les différents États membres (article 5, deuxième alinéa, lu en combinaison avec le dixième considérant), il n’en demeure pas moins que le Conseil est resté en défaut d’expliquer en quoi le dimanche, comme jour de repos hebdomadaire, présenterait un lien plus important avec la santé et la sécurité des travailleurs qu’un autre jour de la semaine et qu’il convenait de faire droit à la demande subsidiaire du gouvernement requérant et d’annuler l’article 5, deuxième alinéa, de la directive.
  21. Il résulte de cet arrêt que l’inclusion du dimanche dans la période de repos hebdomadaire est laissée à l’appréciation
    des États membres, compte tenu, notamment, de la diversité des facteurs culturels, ethniques et religieux dans les
    différents États membres.
  22. En l’absence de doute raisonnable quant à l’application et l’interprétation des dispositions du droit de l’Union
    européenne invoquées, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles
    suggérées.

    Enoncé du moyen
  23. La société fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à renvoyer les questions préjudicielles formulées par elle, de lui
    ordonner de cesser d’employer des salariés le dimanche après 13 heures dans son établissement commercial, sous
    astreinte provisoire par salarié employé le dimanche après 13 heures, dans un délai de trois ans à compter de la
    signification de l’ordonnance, et de la condamner à payer une certaine somme chacun aux syndicats SUD, CGT, SECI et
    SCID, au titre du préjudice occasionné à l’intérêt collectif des salariés du fait de l’emploi de salariés le dimanche après 13
    heures, alors :
    « 1°/ qu’il appartient au juge saisi d’une action en cessation d’un trouble manifestement illicite de vérifier si,
    concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la cessation de la situation litigieuse, portant atteinte à la liberté
    d’entreprendre d’une personne physique ou morale, est nécessaire dans une société démocratique, ce qui lui impose
    d’apprécier, in concreto, la nécessité de la mesure, l’étendue précise de ses effets sur la personne considérée et son
    caractère proportionné ; qu’en l’espèce, la société Distribution Voltaire, exploitant un commerce de détail alimentaire
    exclusivement casher, faisait valoir que l’obligation de fermer ses portes le dimanche à compter de treize heures en plus du samedi, jour du shabbat, mettrait en péril sa survie économique en la contraignant à fermer 91 jours dans l’année,  »contre seulement 32 jours pour un supermarché classique », ce qui heurtait sa liberté d’entreprendre ; que cependant, pour juger que cette obligation faite à la société Distribution Voltaire de cesser d’ouvrir le dimanche après-midi poursuivait un but légitime et était proportionnée, la cour d’appel s’est bornée à affirmer, in abstracto, que le dimanche était le jour chômé pour la majorité des français ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’obligation faite à la société Distribution Voltaire de fermer ses portes le dimanche après-midi en plus du shabbat hebdomadaire, n’aboutissait pas, concrètement, à la contraindre, soit à renoncer à exploiter un magasin casher agréé par le Consistoire Central en raison de l’ouverture le samedi, soit à exploiter un magasin casher déficitaire en raison de la fermeture du magasin le samedi et le dimanche, ce qui traduisait le caractère manifestement disproportionné de l’atteinte ainsi portée à sa liberté d’entreprendre au regard de l’objectif de protection des salariés de la société, euxmêmes de confession juive et respectant le shabbat, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 1455-6 du code du travail, ensemble les articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du même code, 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 5 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, lu à la lumière de l’article 6 du Traité sur l’Union européenne et des articles 16 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
    2°/ que la société Distribution Voltaire faisait valoir, en les énumérant, que de nombreuses dérogations au repos
    dominical étaient désormais apportées selon les zones géographiques et les domaines d’activité concernés, par exemple en ce qui concerne  »le secteur du bricolage et de l’ameublement, ( ) ouverts 7/7 jours », ce dont elle déduisait que  »l’impératif de cohésion sociale a très nettement cédé la place à un pur impératif économique, voulu par le législateur » ; qu’il en résultait que l’interdiction faite à la société Distribution Voltaire, exploitant un supermarché casher, d’ouvrir le dimanche après-midi plutôt que le samedi, jour de shabbat, n’était pas proportionnée puisqu’elle mettait en péril l’existence même de ce commerce, alors que les dérogations au repos dominical étaient déjà largement acceptées par ailleurs pour toute sorte de commerces ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions invoquant une disproportion
    manifeste entre l’atteinte ainsi portée à la liberté d’entreprendre de la société Distribution Voltaire et le bénéfice attendu de l’interdiction de travailler le dimanche après-midi, à laquelle de nombreuses dérogations étaient déjà aménagées par le législateur, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
    3°/ qu’il appartient au juge saisi d’une action en cessation d’un trouble manifestement illicite de vérifier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la cessation de la situation litigieuse, entraînant une distinction entre des personnes morales exploitant un commerce de détail alimentaire, poursuit un but légitime, et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu’en l’espèce, pour affirmer que l’ouverture du supermarché exploité par la société Distribution Voltaire le dimanche plutôt que le samedi était constitutive d’un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que ladite société n’était pas fondée à invoquer une quelconque discrimination pour se soustraire à l’obligation de fermer le dimanche après-midi, aux motifs qu’elle n’avait pas sollicité le bénéfice d’une dérogation ouverte aux supermarchés compris dans des zones touristiques et que  »les règles relatives au repos hebdomadaire sont prescrites pour l’ensemble des commerces de détail » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’obligation de fermer le dimanche après-midi, à l’origine d’une discrimination indirecte manifeste entre les magasins commercialisant des produits exclusivement casher, déjà contraints de fermer le samedi durant le shabbat et voués à la faillite en raison de la fermeture le dimanche, et les autres magasins, était proportionnée au regard de l’objectif de protection des salariés de la société, dont certains sont d’ailleurs de confession juive et respectant le shabbat, la cour d’appel a violé l’article R. 1455-6 du code du travail, ensemble les articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du même code, 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, ainsi que l’article 5 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, combiné à la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, notamment ses articles 1er et 2, lus à la lumière de l’article 6 du Traité sur l’Union européenne et des articles 16 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. »

    Réponse de la Cour
  24. D’abord, contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d’appel n’a pas interdit à la société d’ouvrir son
    établissement commercial le dimanche après 13 heures, mais lui a ordonné de cesser d’y employer des salariés le
    dimanche après 13 heures, après avoir constaté que des salariés y travaillaient le dimanche après 13 heures sans que la
    société ne remplisse les conditions pour ce faire.
  25. Elle a ensuite relevé que c’était le choix de la société de n’avoir pas sollicité de dérogation, de sorte qu’elle se trouvait
    d’autant moins fondée à invoquer un quelconque caractère excessif et attentatoire à la liberté d’entreprendre ni une
    quelconque discrimination religieuse indirecte, du principe du repos dominical.
  26. Le moyen, qui manque en fait, n’est donc pas fondé.

    PAR CES MOTIFS (…) : …) REJETTE le pourvoi