Le redressement de cotisations et contributions sociales, à la suite d’un contrôle mené par l’URSSAF ou la MSA, est strictement encadré par le Code de la sécurité sociale. Toutefois la jurisprudence reste souple quant aux conséquences de certaines irrégularités de la mise en demeure ou de la contrainte, telles notamment que l’orthographe du nom de l’assujetti, l’information relatives aux périodes et charges redressées (dès lors qu’est expressément visée la lettre d’observation), ou encore la Caisse à l’initiative du redressement etc.

Il est donc intéressant de signaler certaines décisions sanctionnant par la nullité de la procédure de redressement, l’irrégularité de la décision engageant celui-ci. Dans l’arrêt du 7 avril 2022 reproduit ci-dessous dans ses dispositions principales, ce sont plusieurs mises en demeure et une contrainte qui étaient concernées.

En l’espèce un assujetti a d’abord été affilié au RSI en tant qu’entrepreneur individuel, puis ensuite comme gérant d’une Eurl, pour l’exploitation qu’une activité de restauration. Les actes contestés ont été adressés audit assujetti en personne, sans qu’il ne soit fait référence à sa qualité de gérant de société : le Juge constate que ni les mises en demeure, ni la contrainte, n’ont permis à l’intéressé de connaître précisément les périodes et nature du redressement, l’activité mentionnée étant erronée.


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CIVILE 2ème, 7 AVRIL 2022 (pourvoi n° 20-19.130, publié au Bulletin)

L’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Aquitaine, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 1], venant aux droits du régime social des indépendants, a formé le pourvoi n° H 20-19.130 contre l’arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d’appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l’opposant à M. [C] [T], domicilié chez Mme [Y], [Adresse 3], défendeur à la cassation.
(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 25 février 2020), la caisse du régime social des indépendants d’Aquitaine, aux droits duquel vient l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Aquitaine (l’URSSAF), a notifié à M. [T] (le cotisant) quatre mises en demeure des 24 octobre et 11 décembre 2014 et 10 avril et 15 juin 2015 au titre des régularisations de cotisations et majorations de retard pour les années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des cotisations des 4e trimestre 2014,1er et 2e trimestres 2015, puis lui a décerné, le 22 décembre 2015, une contrainte signifiée le 14 janvier 2016, à laquelle il a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.
(…)

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. L’URSSAF fait grief à la décision attaquée d’annuler les mises en demeure et, par voie subséquente, la contrainte, alors, « que du seul fait de son affiliation au régime social des indépendants (RSI), le cotisant est redevable personnellement des cotisations et contributions réclamées au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, peu important les modalités dans lesquelles il exerce son activité ; qu’en constatant d’abord que M. [T] était affilié à titre personnel au RSI du 15 mars 2005 au 11 juillet 2017 pour son activité de gérant de l’EURL [4], et en relevant ensuite que la contrainte et les mises en demeure visaient son affiliation au RSI, les périodes de cotisations et leurs montants, pour néanmoins considérer que les mises en demeure puis la contrainte délivrées aux fins de paiement desdites cotisations devaient être annulées faute pour elles de faire référence à l’EURL [4], quand le visa de la société au titre de laquelle il était affilié au RSI n’était pas nécessaire à ce qu’il puisse avoir connaissance de la nature, la cause et l’étendue de son obligation, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles R. 241-2, R. 133-26 et L. 613-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, rendus applicables au recouvrement des cotisations par le régime social des indépendants par les articles L. 133-6-4, I, et L. 612-12 du même code, alors en vigueur :

4. Selon ces textes, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

5. L’arrêt énonce que les mises en demeure sont adressées à M. [T] [C] – [Adresse 5] et sont postérieures au jugement de clôture pour insuffisance d’actif de l’activité personnelle de restaurateur du cotisant et qu’il n’est pas fait mention dans les mises en demeure, ni dans la contrainte, de sa qualité de gérant de l’EURL [4] pour laquelle il est affilié au régime social des indépendants.

6. De ces constatations et énonciations, faisant ressortir que l’activité mentionnée dans les mises en demeure était erronée, la cour a exactement déduit que ni celles-ci, ni la contrainte ne pouvaient permettre au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation, de sorte que la contrainte devait être annulée.

7. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE le pourvoi (…)