La procédure de licenciement pour motif économique est émaillée de contraintes originales, parmi lesquelles notamment d’une part l’obligation pour l’employeur d’informer le salarié au sujet du contrat de sécurisation professionnelle, et d’autre part la mention impérative dans la lettre de licenciement, de la priorité de réembauche. L’irrégularité de ces étapes de la procédure, n’entraîne pas la disqualification du licenciement, mais impose l’indemnisation du salarié qui démontre le préjudice causé par celles-ci.

Si le salarié accepte le contrat de sécurisation professionnelle, en revanche, et puisque cette acceptation entraîne la rupture immédiate du contrat de travail (réputée d’un commun accord, mais soumise au régime du licenciement économique), il est nécessaire pour l’employeur de justifier avoir notifié auparavant le motif précis de licenciement. On le sait : à défaut cette irrégularité entraîne les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mais pas davantage que pour la lettre de licenciement, le défaut d’information préalable relative à la priorité de réembauche à l’occasion de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, ne peut disqualifier la rupture : le salarié sera simplement indemnisé du préjudice (moral, économique, professionel etc.) dont il aura objectivement rapporté la preuve. C’est la solution rappelée par la Cour de cassation dans l’arrêt reproduit ci-dessous.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 26 février 2025 (pourvoi n° 23-15.427, publié au Bulletin)

La société Pharmacie [Adresse 4], société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Adresse 4], [Localité 2], anciennement dénommée Pharmacie Thomas Henocq, a formé le pourvoi n° U 23-15.427 contre l’arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d’appel d’Amiens (5e chambre prud’homale), dans le litige l’opposant à Mme [C] [H], domiciliée [Adresse 1], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Amiens, 14 décembre 2022) et les productions, Mme [H] a été engagée initialement par la société Pharmacie Finet le 1er décembre 1991. Son contrat de travail a été transféré à la société Pharmacie Thomas Henocq, aux droits de laquelle vient la société Pharmacie [Adresse 4] (la société). Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de pharmacienne assistante.

2. Après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé le 22 juin 2018 au cours duquel il lui a été remis un dossier relatif au contrat de sécurisation professionnelle ainsi qu’un document d’information sur les motifs économiques de la rupture envisagée, la salariée a adhéré le 11 juillet 2018, à ce dispositif. Le même jour, l’employeur lui a adressé une lettre recommandée ayant pour objet la « rupture d’un commun accord suite à adhésion au CSP » et précisant : « Je vous informe que, conformément à l’article L. 1233-45 du code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. »

3. Contestant la légitimité de la rupture du contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud’homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt, alors « que le défaut d’information du salarié ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle de sa priorité de réembauche ne prive pas la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, mais permet seulement au salarié qui justifie d’un préjudice d’obtenir des dommages et intérêts ; que dès lors, en se fondant, pour dire que le licenciement de Mme [H] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sur le seul fait que la salariée n’avait pas été informée de sa priorité de réembauche avant d’avoir accepté son contrat de sécurisation professionnelle, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-16 du code du travail, ensemble l’article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour
(…)
Vu les articles L. 1233-45 et L. 1233-16 du code du travail, l’article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du même code :

8. Selon le premier de ces textes, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai.

9. Aux termes du deuxième, la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Elle mentionne également la priorité de réembauche prévue par l’article L. 1233-45 et ses conditions de mise en oeuvre.

10. Il résulte de ces textes, d’une part, que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, la priorité de réembauche dont il bénéficie doit être mentionnée dans le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail, et donc être portée à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation, d’autre part, que le défaut d’information du salarié ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle sur la priorité de réembauche ne prive pas la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, mais permet seulement au salarié qui justifie d’un préjudice d’obtenir des dommages-intérêts.

11. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que le document d’information remis à la salariée le 22 juin 2018 lors de l’entretien préalable ne porte pas mention de la priorité de réembauche de sorte que cette dernière n’a pas été informée du bénéfice de cette disposition avant d’avoir accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

12. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS …) : CASSE ET ANNULE (…)