La Cour de cassation rappelle régulièrement que les dispositions du Code électoral, et les principes généraux dans cette matière, s’appliquent indifféremment aux élections professionnelles comme à toute autre élection. C’est le cas de l’arrêt du 18 mai 2022 ci-dessous reproduit.

L’appréciation de ces principes est d’ailleurs pareillement reprise par la Chambre sociale. Ainsi les irrégularités directement contraires aux principes fondamentaux, tel que le principe de neutralité dans l’organisation des élections, entraînent la nullité du scrutin, sans que l’on ait à s’interroger sur l’influence de cette violation sur son résultat.

C’est toutefois à celui qui invoque cette nullité, d’apporter la preuve de la violation du principe de neutralité. Dans le cas d’espèce, par exemple, le syndicat ne démontrait pas que la liste de candidats déposée le dernier jour autorisé, l’avait été postérieurement à l’heure ultime de dépôt, alors qu’il était établi qu’une liste concurrente l’avait bien dépassée.

COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022 (pourvoi n° 20-21.529, publié au Bulletin)


La société Iss propreté, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° Q 20-21.529 contre le jugement rendu
le 27 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), (…)


Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 27 octobre 2020), la société Iss propreté (la société),
qui est dotée de huit comités sociaux et économiques d’établissement, dont celui de l’établissement PSS
Méditerranée, et d’un comité social et économique central, a, en application d’un protocole d’accord préélectoral
conclu le 9 octobre 2019, organisé les élections des membres des comités sociaux et économiques, lesquelles se
sont déroulées les 3 et 19 décembre 2019.
2. Invoquant notamment la méconnaissance par l’employeur de son obligation de neutralité, par requête reçue le
18 décembre 2019, la fédération des syndicats CFTC-CSFV (le syndicat CFTC) a saisi le tribunal d’instance aux fins
d’annulation des élections des membres du comité social et économique de l’établissement PSS Méditerranée.


Examen du moyen
(…)
3. La société fait grief au jugement d’annuler les premier et second tours des élections du premier collège au
comité social et économique de l’établissement PSS Méditerranée de la société, alors :
« 1°/ qu’il incombe au syndicat qui, pour demander l’annulation d’élections professionnelles, allègue qu’une autre
candidature tardive a été acceptée par l’employeur et invoque une violation de l’obligation de neutralité de ce
dernier d’en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce, le tribunal a constaté que le syndicat CFTC avait adressé sa liste
de candidats le 4 novembre à 12 heures 16 par courriel, après expiration du délai fixé par le protocole préélectoral
à 12h00, que sa liste n’avait pas été retenue, et que la liste de candidats du syndicat FO avait été remise en mains
propres  »le 4 novembre » sans qu’un élément atteste l’heure de dépôt auprès de l’employeur, de sorte que la
société ISS Propreté n’aurait pas rapporté la preuve qu’elle avait respecté son obligation de neutralité ; qu’en
statuant ainsi, cependant qu’il incombait au syndicat CFTC, qui invoquait la tardiveté du dépôt de la liste du
syndicat FO et qui reprochait à l’employeur un manquement à son obligation de neutralité, d’en rapporter la
preuve, le tribunal a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 devenu 1353 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut annuler une élection professionnelle pour violation de l’obligation de neutralité de l’employeur sans caractériser de manière certaine cette violation ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que le
syndicat CFTC n’avait pas adressé sa liste de candidats dans le délai fixé par le protocole préélectoral, soit avant le
4 novembre 12 heures 00 et que l’heure de remise en mains propres de la liste du syndicat FO le dernier jour
n’était pas précisée, le tribunal a énoncé  »qu’il n’était pas en mesure d’apprécier si l’heure limite de dépôt avait été
respectée par ce syndicat et si la société ISS Propreté, en refusant la liste de candidature CFTC déposée à 12
heures 16, n’avait pas favorisé le syndicat FO au détriment du syndicat CFTC » ; qu’en ne tirant pas les
conséquences légales de ses constatations, dont il résultait qu’aucune violation par la société ISS Propreté de son
obligation de neutralité n’était caractérisée, puisqu’il n’était pas établi que la candidature du syndicat FO était
tardive et qu’en l’acceptant, l’employeur aurait violé son obligation de neutralité, le tribunal a privé sa décision de
base légale au regard des principes généraux du droit électoral. »


Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2314-28 et L. 2314-29 du code du travail et les principes généraux du droit électoral :


4. Les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral constituent une cause
d’annulation des élections indépendamment de leur influence sur le résultat des élections. L’obligation de
neutralité de l’employeur est un principe général du droit électoral.
5. Il appartient à celui qui invoque la violation par l’employeur de son obligation de neutralité d’en rapporter la
preuve.
6. Pour annuler les premier et second tours des élections du premier collège au comité social et économique de
l’établissement PSS Méditerranée de la société, le jugement, après avoir relevé que le protocole d’accord
préélectoral prévoyait que les listes de candidats pour le premier tour devaient être déposées au plus tard le 4
novembre 2019 à 12 heures, retient que la liste de candidats du syndicat CFTC, adressée par courriel le 4
novembre 2019 à 12 heures 16, n’a pas été retenue par l’employeur faute d’avoir été déposée dans le délai fixé
par le protocole d’accord préélectoral, tandis que, s’agissant de la liste de candidats du syndicat FO, déposée en
main propre auprès de l’employeur également le 4 novembre 2019, il n’est pas justifié de l’heure de son dépôt, en
sorte qu’il n’est pas possible d’apprécier, d’une part si l’heure limite de dépôt des listes a été respectée par le
syndicat FO, d’autre part si la société, qui a rejeté la liste du syndicat CFTC, n’a pas favorisé le syndicat FO au
détriment du syndicat CFTC, que dès lors la société ne justifie pas avoir respecté son obligation de neutralité.
7. En statuant ainsi, le tribunal, qui, d’une part, a inversé la charge de la preuve, d’autre part, n’a pas caractérisé le
manquement de l’employeur à son obligation de neutralité, a violé les textes et les principes susvisés.


PAR CES MOTIFS, (…) : CASSE ET ANNULLE (…)