L’on entend souvent les entreprises soumises à un contrôle des cotisation et contributions sociales, se plaindre de la faiblesse de la protection accordée par la Charte du cotisant. En revanche il est nécessaire de rappeler que les règles encadrant la procédure de contrôle sont d’une sévérité efficace à l’encontre de l’inspecteur(trice) du recouvrement, même si parfois le Juge du fond les négligent.

Ainsi l’enquête peut conduire l’inspecteur(trice) à interroger les collaborateurs de l’entreprise assujettie, outre ses dirigeants. Mais s’il ne s’agit pas de collaborateurs salariés (et par exemple l’expert-comptable, l’avocat, le sous-traitant informatique etc.), alors les informations et documents sollicités ou remis doivent au préalable été demandés à l’assujetti lui-même, puis lui être communiqués contradictoirement.

Il est en effet nécessaire que l’entreprise controlée puisse contester ces information ou document, s’ils émanent de tiers non-subordonnés. A défaut le contrôle est nul, ce qui entraîne la nullité du redressement, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit par extraits.

COUR DE CASSATION, 2ème Chambre civile, 7 juillet 2022 (pourvoi n° 20-18.471, publié au Bulletin)

La Société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-18.471 contre l’arrêt rendu le 30 juin 2020 par la cour d’appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l’opposant à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 30 juin 2020), à la suite d’un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, l’URSSAF de Languedoc-Roussillon (l’URSSAF) a adressé à la Société [5] (la société) une lettre d’observations comportant plusieurs chefs de redressement, suivie d’une mise en demeure.

2. La société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

(…)

4. La société fait grief à l’arrêt de rejeter son recours, alors « que tout « contrôle » de l’organisme de recouvrement doit être réalisé dans le respect des garanties de procédure contradictoire offertes au cotisant en vertu de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; que les inspecteurs de l’URSSAF sont en mesure de solliciter de la part de l’entreprise contrôlée les documents utiles au contrôle et d’interroger les personnes rémunérées par cette dernière ; qu’est en revanche entaché de nullité le contrôle au cours duquel les inspecteurs ont sollicité et obtenu la production de pièces détenues, non par la personne objet du redressement ou par ses salariés, mais par des personnes tierces – peu important qu’elles interviennent au sein d’un même groupe – sans avoir sollicité préalablement ces pièces auprès de la personne contrôlée et sans les lui avoir communiquées ; qu’en l’espèce la société s’est prévalue de la nullité du chef de redressement « acomptes, avances, frais non récupérés » en ce qu’il repose sur le recueil par les inspecteurs de l’URSSAF du témoignage d’une personne tierce à la société, monsieur [I], responsable du service comptable de la société [8] ; qu’en écartant ce moyen et en validant le chef de redressement en cause tout en constatant qu’ « il est incontestable que les inspecteurs de l’URSSAF se sont entretenus avec M. [I] alors que conformément aux dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui sont d’application stricte, ils ne peuvent procéder qu’à l’audition de personnes salariées de l’entreprise contrôlée », la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

5. Il résulte du second de ces textes, dont les dispositions sont d’interprétation stricte, que les agents de contrôle ne peuvent recueillir des informations qu’auprès de la personne contrôlée et des personnes rémunérées par celle-ci.

6. Pour valider le chef de redressement « acomptes, avances, prêts non récupérés », l’arrêt retient que s’il est incontestable que les inspecteurs de l’URSSAF se sont entretenus avec le responsable de la société [8] alors que, conformément aux dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui sont d’application stricte, ils ne peuvent procéder qu’à l’audition de personnes salariées de l’entreprise contrôlée, il n’en demeure pas moins que le redressement résulte de l’analyse par les inspecteurs des documents remis directement par la société, que ce tiers n’a pas été le seul interlocuteur des inspecteurs qui, préalablement à cette audition, avaient interrogé les personnes « mandatées » par la société, lesquelles leur avaient apporté des réponses sauf sur ce chef de redressement et que l’audition litigieuse n’avait eu aucune incidence sur le respect du principe du contradictoire, dans la mesure où le tiers, mis en relation à l’initiative de la société avec les inspecteurs, ne leur avait apporté aucun élément significatif de nature à modifier leur position sur le chef de redressement.

7. En statuant ainsi, alors que les renseignements n’avaient pas été demandés auprès de la société contrôlée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)