Le salarié est le seul contractant, dans la relation de travail, à pouvoir demander au Juge de prononcer la rupture du contrat : l’employeur ne peut quant à lui diluer son pouvoir de direction. Toutefois les deux parties peuvent toujours prendre l’initiative, unilatérale ou conjointe, de mettre fin au contrat : par conséquent, ils le peuvent encore même si le salarié a déjà engagé une action prud’homale en résiliation judiciaire.

Le Juge reste souverain pour apprécier la réalité et la gravité suffisante du manquement commis par l’employeur, et dont son cocontractant justifie à l’appui de sa demande. Mais s’il prononce la résiliation, celle-ci ne peut intervenir en principe qu’à la date du jugement ; par exception elle interviendra à la date de la rupture effective du contrat, si l’employeur (licenciement, rupture anticipée du CDD) ou le salarié (prise d’acte, notamment) l’a notifiée en cours de procédure.

Mais en aucune manière le salarié demandeur ne pourra choisir autrement la date à laquelle la résiliation judiciaire prendra effet. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous principalement reproduit, dans un cas où le salarié avait quitté son poste après une altercation, puis été placé en arrêt-maladie.

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 22 JUIN 2022 (pourvoi n° 20-21.411, publié au Bulletin)

La société 1 Clic Réception, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-21.411 contre l’arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d’appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l’opposant à M. [L] [N], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

(…)

Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 10 septembre 2020), M. [N] a été engagé pour cinq mois en qualité d’employé par la société 1 Clic Réception (la société) suivant contrat à durée déterminée saisonnier du 23 avril 2018.
  2. Suite à une altercation survenue le 21 mai 2018 l’ayant opposé au dirigeant de la société, le salarié a été placé en arrêt de travail jusqu’au terme de son contrat.
  3. Le 8 juin 2018, il a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur et le paiement de diverses indemnités. (…)
  1. L’employeur fait grief à l’arrêt de prononcer la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à ses torts exclusifs et ce à la date du 21 mai 2018, alors « qu’en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu à cette date et que le salarié est toujours au service de l’employeur ; qu’en l’espèce, il est constant que le salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que la cour d’appel qui a décidé que la date de la rupture anticipée du contrat de travail était celle du 21 mai 2018, date des faits invoqués à l’appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat, sans constater que le contrat avait été rompu par le salarié ou l’employeur et que le salarié n’était plus à la disposition de l’employeur, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1243-1, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1224 et 1227 du code civil :

  1. Il résulte de ces textes, qu’en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l’employeur.
  2. Pour prononcer à la date du 21 mai 2018 la rupture anticipée du contrat à durée déterminée aux torts exclusifs de l’employeur, l’arrêt, par motifs adoptés, constate que le salarié démontre qu’il a subi une atteinte physique de la part de son employeur et qu’un certificat médical, un compte-rendu de passage aux urgences et un arrêt de travail, tous datés du 21 mai 2018 viennent le confirmer. Il retient que commet un manquement grave à ses obligations l’employeur qui porte une atteinte physique ou morale à son salarié et que cette faute grave rend impossible le maintien de la relation contractuelle.
  3. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

(…)

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)