La Cour de cassation vient de revenir à une solution constante qu’elle avait il y a peu abandonnée, à la faveur d’une réforme de la prescription civile. L’action en requalification du contrat de travail à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée, sanctionne le manquement par l’employeur à de nombreuses obligations légales encadrant le régime du CDD.

Ainsi en est-il de l’absence de contrat écrit, ou de l’omission formelle d’une clause obligatoire ; pareillement pour le non-respect de la durée maximale autorisée. Lorsque les rapports de travail excèdent la durée prévue au contrat, la requalification est toutefois prononcée sans que l’indemnité forfaitaire minimale équivalente à un mois de salaire brut ne puisse être mise à la charge de l’employeur.

La sanction reste au contraire sévère lorsqu’aucun motif de recours licite ne justifie l’emploi d’un salarié en CDD. Le délai de prescription de l’action en requalification est de deux ans, après être passée de trente à cinq ans…

Mais la question éminente, au-delà du seul critère quantitatif, tient au point de départ de ce bref délai. Lorsque la contestation salariale porte sur l’absence de contrat écrit, cette illicéité est connue du salarié dès la conclusion du CDD : c’est à cette date que démarre le délai de prescription de deux ans.

Mais lorsqu’elle elle porte sur la réalité d’un motif de recours licite, la Chambre sociale a pendant quelques années retenu que le délai de prescription courrait aussi de cette date de conclusion du contrat. Or l’arrêt du 29 janvier 2020 ci-dessous éclairé revient bien à la solution ancienne : la prescription ne part que du terme du contrat, ou de la succession de contrats issue de ce premier CDD illicite.

Cour de cassation, Chambre sociale, 29 janvier 2020 (pourvoi n° 18-15.359, publié au Bulletin)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé par la société Audirep Interview, devenue la société Hexacall (la société), en qualité d’enquêteur, dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage du 20 novembre 2004 au 4 octobre 2013 ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale, le 7 juillet 2014, de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat ; que la société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce et M. Y… désigné en qualité de liquidateur ;
(…)

Vu les articles L. 1471-1 et L. 1245-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l’article L. 1242-1 du code du travail ;

Attendu que selon le premier de ces textes, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ; qu’en application du deuxième, par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ; qu’il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier ;

Attendu que pour dire prescrite la demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée jusqu’au 6 juillet 2012 et rejeter les demandes en découlant, l’arrêt retient que la loi du 14 juin 2013 institue un délai de deux ans, pour toutes les demandes indemnitaires relatives à l’exécution ou la rupture des contrats de travail, qu’en l’espèce, le terme du dernier contrat date du 4 octobre 2013 et la saisine du conseil de prud’hommes du 7 juillet 2014, que le salarié ne peut donc solliciter la requalification des contrats conclus à une date antérieure au 7 juillet 2012 ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le salarié soutenait avoir été engagé pour occuper un emploi participant de l’activité normale de la société, ce dont elle aurait dû déduire que l’action en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée n’était pas prescrite et que le salarié pouvait demander que la requalification produise ses effets à la date du premier engagement irrégulier, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
(…)

Par ces motifs (…) : Casse et annule (…)