L’on connaît les exigences de la Loi concernant la conclusion et l’exécution des conventions de forfait en jours, réservées aux salariés autonomes, et la sévérité du Juge quant à la sanction de leur irrégularité ou de leur inexécution. Qu’il s’agisse de l’annulation rétroactive de la convention de forfait (qui maintient le contrat de travail salarié sous sa forme de Droit commun, soit un contrat à temps complet), ou comme l’a retenu la Cour d’appel dans l’hypothèse évoquée dans l’arrêt ci-dessous reproduit, la privation d’effet de cette convention, c’est l’employeur qui en pratique est impacté, notamment par le rappel de salaire déduit des heures supplémentaires alors qualifiées.

Le salarié peut toutefois subir lui aussi les conséquences d’une telle annulation, ce qu’illustre par exemple la décision de la Cour de cassation du 06 janvier 2021. En l’espèce le salarié avait reçu forfaitairement la rémunération mensuelle prévue pour un nombre donné de jours travaillés sur le cycle annuel ; or le contrat de travail ayant été rompu en cours de cycle, le solde du rapport entre la rémunération perçue et le nombre de jours travaillés, était créditrice pour l’employeur.

Ce dernier réclamait donc reconventionnellement dans le cadre du contentieux initié par son ancien salarié, le remboursement de ce trop-percu de rémunération (peut-être en compensation du rappel de salaire d’heures supplémentaires…). Son adversaire s’y opposait, avec succès devant la Cour d’appel, au prétexte que la convention de forfait était certes privée d’effet (sans doute aux torts de l’employeur !), mais que la sanction de cette « privation d’effet » était le maintien des avantages dont le salarié avait bénéficié du fait de l’exécution du forfait irrégulier.

La Chambre sociale rejette cette analyse. Si la convention de forfait est annulée, l’employeur peut le cas échéant être remboursé de la rémunération versée sans la contrepartie de la prestation de travail due par son cocontractant.

Cour de cassation, Chambre sociale, 06 janvier 2021 (pourvoi n° 17-28.234, publié au bulletin)

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 27 septembre 2017), M. S…  a été engagé à compter du 15 mars 1999, en qualité de responsable recherche développement par la société Delmotte, aux droits de laquelle est venue la société Mademoiselle desserts Broons. Selon avenant du 1er septembre 2011, le salarié a bénéficié du statut cadre et a été soumis à une convention individuelle de forfait en jours.

2. Il a été licencié le 29 janvier 2014.

(…)

4. L’employeur fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande au titre du remboursement des jours de réduction du temps de travail, alors « que lorsque l’employeur n’assure pas l’effectivité des règles relatives à la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, cette défaillance prive l’employeur de la possibilité de se prévaloir de la convention de forfait, qui, de ce fait, n’est pas nulle mais privée d’effet ; que l’inopposabilité de la convention de forfait entraîne le décompte du temps de travail et des heures supplémentaires selon le droit commun du code du travail ; que les journées de jours de réduction du temps de travail étant la contrepartie de la forfaitisation, elles constituent un tout avec le régime forfait et un avantage indissociable de l’application du forfait ; que ces jours de réduction du temps de travail perdent tout objet en cas de suppression de ce forfait, peu important que celui-ci soit déclaré sans effet et non nul ; qu’en retenant au contraire que la privation d’effet de la convention de forfait en jours ne privait pas le salarié du droit au paiement des jours de réduction du temps de travail prévus dans ladite convention, la cour d’appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3171-4 et L. 3121-43 et suivants du code du travail dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

6. Pour débouter l’employeur de sa demande en remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés, l’arrêt retient que la privation d’effet de la convention de forfait en jours, qui n’est pas annulée, ne saurait avoir pour conséquence de priver le salarié de l’octroi des jours de réduction de temps de travail.

7. En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d’effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en jours, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, (…) : CASSE ET ANNULE (…)