L’épidémie de Covid-19 suscite parfois des réactions paniquées, notamment au sein de la collectivité de travail. La confusion peut surgir, augmentée par le flot d’informations, d’injonctions parfois contradictoires, de recommandations des pouvoirs publics confrontées à certaines décisions administratives (contraignantes quant à elles) etc.

L’annonce de dispositions réglementaires nouvelles à la suite de la loi d’urgence sanitaire adoptée ce jour, quelle qu’en soit la teneur, ne peut que soulager ceux qui depuis près de deux semaines « naviguent à vue » dans ce contexte bouleversé, et en particulier le chef d’entreprise. L’on espère ainsi que des mesures claires et impératives dicteront la conduite à tenir, en sécurisant juridiquement la décision de l’employeur.

Il faut en effet dissiper nombre de malentendus : la seule interdiction pesant exceptionnellement sur certaines entreprises limitativement désignées (restaurant, salle de spectacle, commerce de proximité…) par exemple, concerne leur ouverture au public et non leur fonctionnement. Bien entendu, encore faut-il que faute de clients, ces entreprises puissent encore fonctionner ; mais si c’est le cas, les salariés doivent normalement rejoindre leur poste de travail, munis des attestations permanente (fournie par l’employeur) et ponctuelle (formalisée jour par jour par le salarié) imposées par les décrets n° 2020-260 du 16 mars 2020 et n° 2020-264 du 17 mars 2020.

De même l’interdiction des rassemblements de plus de 20 personnes ne concerne-t-elle que le public, à l’exclusion des salariés sur leur poste de travail ou dans le cadre de leurs fonctions (même itinérantes) professionnelles. Encore, et quelles que soient les déclarations non-contraignantes de certaines autorités publiques, le télétravail ou le recours à l’activité partielle n’est en rien une obligation pour l’entreprise employeur.

Aucune disposition réglementaire de Droit commun ne peut en effet imposer à cette dernière, les modalités de gestion ou d’organisation de ses ressources humaines. En revanche l’employeur est débiteur d’une obligation de santé et sécurité au travail, qui peut le conduire à privilégier certaines de ces modalités : et le législateur peut sur ce point l’encourager, comme lorsqu’il l’autorise à imposer unilatéralement le télétravail en cas de risque épidémique (article L.1222-11 du Code du travail).

Les mesures nécessaires à assurer la sécurité sur le lieu de travail et la protection de l’état de santé des salariés, dans un contexte épidémique, ont déjà fait l’objet de recommandations administratives : l’on se référera utilement sur ce point, aux circulaires DGT du 18 décembre 2007 et du 3 juillet 2009. Par ailleurs l’Instruction administrative sous forme de questions/reponses du 13 mars 2020, remise à jour régulièrement, peut là aussi constituer un guide au profit du service RH des petites et moyennes entreprises.

Il est d’ailleurs sur ce point intéressant de constater que systématiquement ces consignes soulignent l’intérêt à ne pas commettre de confusion quant à l’usage du droit d’alerte et de retrait visé aux articles L.4131-1 et suivants du Code du travail. En effet des interprétations hasardeuses ont pu, sur cette question comme sur celles évoquées ci-dessus, être répandues par la voie médiatique, parfois par des sources dignes de confiance.

Il convient de rappeler que le droit de retrait (qui impose au salarié qui l’exerce d’informer précisément sa hiérarchie) ne peut se concevoir, que lorsqu’un danger grave et imminent peut raisonnablement être ressenti individuellement par le salarié, du fait non du poste de travail occupé, mais des conditions concrètes auquel ce poste est exposé. Aussi une crainte, c’est-à-dire un risque éventuel et théorique, ne peut constituer le fondement du droit de retrait.

Le « risque » lié à la pandémie de Covid-19, comme toute épidémie, n’en est donc pas un au sens des textes susvisés. Comme le rappelle une fois de plus l’instruction ministérielle de mars 2020 : « … dès lors que sont mises en œuvre, tant par l’employeur que par les salariés, les recommandations du gouvernement, la seule circonstance que [le salarié ou la salariée] sois affecté(e) à l’accueil du public et pour des contacts prolongés et proches ne suffit pas sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, à considérer que [cela] justifie d’un motif raisonnable pour exercer [le] droit de retrait. (…) …l’inspecteur du travail (IT) n’a pas à se prononcer sur la réalité du danger grave et imminent (DGI). Il appartient uniquement au juge de trancher ce point, s’il est saisi …».

Or si la sanction disciplinaire du salarié ayant abusivement exercé son droit de retrait, ou l’ayant exercé sans fondement légitime, est exceptionnellement admise par la Loi, du moins le licenciement est-il possible. Et bien évidemment la rémunération du salarié ainsi absent de façon injustifiée (qui ne peut prétendre ni à un arrêt-maladie, ni à congés payés ou RTT, ni à un placement en activité partielle) n’a pas à être versée.

Liens utiles :

http://www.intefp-sstfp.travail.gouv.fr/datas/files/SSTFP/sstfp_DGT_circ_2007_12_18_DGT_2007-18_contin_activ_sect_priv_pand_grip.pdf

http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2009/07/cir_28964.pdf

https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus