Les relations de travail dans les secteurs propres à la navigation (fluviales et surtout maritime) sont encadrées par un régime juridique et social complexe, qui distingue plusieurs catégories de salariés et « gens de mer ». Une illustration de l’originalité de ces mécanismes est ici donnée par la Cour de cassation, dans cet arrêt du 11 septembre 2019.

Le contentieux entre un capitaine et son employeur, armateur du navire de croisière en Polynésie française, impose un préalable de conciliation auprès de l’Administration du travail. Lorsque le salarié déclenche le litige, c’est à l’armateur de saisir l’Inspection.

A défaut, les demandes sont irrecevables. Toutefois l’employeur ne peut soulever cette fin de non recevoir s’il a omis cette saisine préalable, et se prévaloir de cette irrecevabilité.

Cour de cassation, Chambre sociale, 11 septembre 2019 (pourvoi n° 17-16.599, publié au bulletin)

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Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. K… a été engagé par contrats à durée déterminée du 6 août 2007 au 30 novembre 2008 puis le 14 mars 2009 en qualité de capitaine par la société Tahiti Cruises ; qu’il a saisi le tribunal du travail aux fins d’obtenir la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ;
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Mais sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article 37 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial ;

Attendu qu’aux termes de ce texte, tout litige particulier survenant à un officier sera présenté au chef du service de l’inspection du travail qui s’efforcera, dans toute la mesure du possible, d’obtenir un accord de conciliation entre les parties en litige ; que dans le cas où un accord ne pourrait s’établir, le litige sera présenté au tribunal du travail, dans les formes prévues par les lois en vigueur ou éventuellement devant le tribunal du commerce, en ce qui concerne les capitaines ayant le commandement du navire ;

Qu’il en résulte que lorsque la rupture du contrat de travail est intervenue à l’initiative de l’employeur, c’est à lui seul qu’il incombe de mettre en oeuvre, au préalable, la procédure de conciliation conventionnelle ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l’action engagée par le salarié, l’arrêt retient qu’il ne peut être reproché à l’armateur, qui n’avait aucune raison de saisir l’inspection du travail, de se prévaloir d’une règle impérative qu’il n’aurait pas respectée et qui aurait caractérisé la mauvaise foi ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le capitaine faisait valoir que les relations de travail s’étaient poursuivies au delà du 12 septembre 2009, terme du second contrat à durée déterminée et étaient devenues à durée indéterminée lors de la rupture du contrat de travail intervenue le 30 septembre 2009 tandis que l’armateur faisait valoir qu’un avenant à ce second contrat à durée déterminée avait été signé le 12 septembre 2009 prorogeant le contrat jusqu’au 30 novembre 2009, sans constater les conditions dans lesquelles la rupture était intervenue, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)