Le salarié licencié pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail, sans possibilité de reclassement, à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, bénéficie d’un régime protecteur dans le cadre d’une procédure spéciale de rupture. Notamment, il reçoit une double indemnité légale de licenciement, ainsi qu’une indemnité de préavis (alors qu’il est dans l’impossibilité de l’exécuter).

Or on ne doit pas confondre cette denière indemnité avec celle due par l’employeur qui exonère le salarié d’exécuter le préavis. Ainsi le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés sur cette indemnité de préavis spéciale.

Il ne s’agit pas en effet d’une indemnité compensant la perte de rémunération d’un salarié empêché par son employeur d’exécuter son activité pendant le préavis. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit par extraits.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 12 juin 2024 (pourvoi n° 23-13.975, publié au Bulletin)

Mme [Z] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-13.975 contre l’arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d’appel de Versailles (6ème chambre), dans le litige l’opposant à la société Eservglobal SAS, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2023), Mme [T] a été engagée le 6 novembre 2008 en qualité de « Global HR Director », soit directrice des ressources humaines, par la société Eservglobal SAS (la société). La relation de travail est soumise à la convention collective de la métallurgie du 13 mars 1972.

2. Le 4 avril 2014, après un arrêt de travail continu depuis le 18 novembre 2013, elle a repris son travail en mi-temps thérapeutique jusqu’à la rupture du contrat de travail. Par avenant au contrat de travail du 1er novembre 2017, il a été convenu une rémunération mensuelle brute de 7 000 euros correspondant à 50% d’un salaire à temps plein.

3. Le 25 juillet 2019, la société suédoise Seamless distribution system AB est devenue l’actionnaire majoritaire de la société.

4. La salariée a été convoquée le 18 octobre 2019 à un entretien préalable en vue d’un licenciement, fixé au 29 octobre 2019, puis licenciée pour faute grave le 4 novembre 2019.

5. Le 25 novembre 2019, elle a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement et de solliciter le paiement de diverses sommes salariales et indemnitaires.

(…)

Enoncé du moyen

16. La salariée fait grief à l’arrêt de fixer le montant du salaire de référence à la somme de 7 170,53 euros et par conséquent de limiter le montant des condamnations prononcées aux sommes de 42 576 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 4 257,60 euros à titre de congés payés afférents au préavis, 43 023,18 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement et 71 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, alors « que le mi-temps thérapeutique étant un temps partiel imposé par le médecin du travail au regard de l’état de santé du salarié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul des indemnités de rupture est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant le mi-temps thérapeutique, sauf à discriminer le salarié en raison de son état de santé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a jugé qu »’avant la suspension de son contrat de travail pour maladie en septembre 2019, le contrat de travail de la salariée n’était (…) pas suspendu et elle exerçait depuis une longue durée ses fonctions dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, qui n’avait pas été imposé par son employeur, sans lien avec sa condition de femme » et qu »’il convient en conséquence de retenir comme salaire de référence la moyenne des trois ou douze derniers mois ayant précédé son arrêt de travail, soit la somme de 7 170,53 euros bruts mensuels au regard des fiches de paye produites concernant la période de septembre 2018 à août 2019 » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, et les articles L. 1234-5, L. 1235-3, L. 1234-9 et R. 1234-4 du même code :

17. En application du premier de ces textes, aucune personne ne peut être licenciée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, en raison notamment de son état de santé.

18. Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement notamment de son état de santé, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable et constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un de ces motifs, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

19. Selon l’article L. 1234-5 du code du travail, le salarié, qui n’exécute pas son préavis, a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

20. Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.

21. Selon les articles L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

22. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu’il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé et que l’assiette de calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé.
23. Pour fixer le salaire de référence à 7 171,53 euros brut mensuel par référence à la moyenne des trois ou douze derniers mois ayant précédé l’arrêt de travail de la salariée, au regard des fiches de paie de celle-ci pour la période de septembre 2018 à août 2019, l’arrêt retient que la salariée, engagée à compter du 6 novembre 2008, a exercé ses fonctions dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique à compter du 4 avril 2014 et les exerçait toujours dans ce cadre avant la suspension de son contrat de travail pour maladie en septembre 2019.

24. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
(…)

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)