Le salarié dont le poste de travail inclue la conduite d’un véhicule sur la voie publique, engage sa reponsabilité contractuelle en cas d’infraction au Code de la route, notamment pour les fautes intentionnelles. Il est donc susceptible de se voir notifier une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciementen fonction de la gravite de la faute.

La question se pose en revanche de savoir si ce pouvoir disciplinaire peut s’exercer, lorsque ces infractions sont commises hors l’exécution du contrat de travail, par exemple lorsqu’il s’agit d’un véhicule de fonction. L’arrêt ci-dessous reproduit illustre cette problématique.

La solution est constante : un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne peut donner lieu à licenciement, s’il ne cause pas de graves répercutions sur le fonctionnement de l’entreprise, ou s’il ne constitue pas la violation d’une obligation professionnelle. En l’occurence le véhicule n’avait pas été endommagé du fait des infractions reprochées au salarié, et ce dernier n’avait pas manqué à ses obligations professionnelles.

La Cour de cassation confirme donc la disqualification du licenciement disciplinaire. On imagine toutefois que si ces infractions avaient entraîné le paiement par l’employeur d’amendes pénales, ou bien caractérisaient un manquement réitéré à un devoir générale de prudence de la part du travailleur, la sanction aurait pu être légitimement décidée.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 4 octobre 2023 (pourvoi n° 21-25.421, publié au Bulletin

La société Colas Rail, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-25.421 contre l’arrêt rendu le 14 octobre 2021 par la cour d’appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l’opposant à M. [I] [W], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 14 octobre 2021), M. [W] a été engagé en qualité de mécanicien par la société Colas Rail (la société), le 1er mars 2007, avec reprise de son ancienneté depuis le 3 janvier 2006. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il était mécanicien autonome sur chantier.

2. Licencié le 13 décembre 2016, il a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l’arrêt de juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors « qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire, s’il se rattache à la vie professionnelle du salarié ou s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la commission d’infractions au code de la route, commise par un salarié tandis qu’il conduit un véhicule de fonction sur le trajet de son lieu de travail, se rattache à sa vie professionnelle, même si son temps de travail effectif n’a pas encore débuté ; qu’en décidant néanmoins que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme étant fondé sur des faits relevant de la vie personnelle du salarié, après avoir constaté que le salarié avait commis les quatre infractions au code de la route visées par la lettre de licenciement, tandis qu’il se trouvait sur le trajet le conduisant à son lieu de travail, ce dont il se déduisait que les faits reprochés se rattachaient à sa vie professionnelle, peu important que le temps de travail effectif n’ait pas débuté, la cour d’appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

5. La cour d’appel a constaté, d’abord, que les infractions au code de la route avaient été commises durant les temps de trajet durant lesquels le salarié n’était pas à la disposition de l’employeur et, ensuite, que l’outil de travail mis à sa disposition n’avait subi aucun dommage et que le comportement de l’intéressé n’avait pas eu d’incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien.

6. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que les infractions au code de la route ne pouvaient être regardées comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat, ni comme se rattachant à sa vie professionnelle, la cour d’appel a exactement déduit que ces faits de la vie personnelle ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)