Le régime juridique des jours fériés reste mal connu, sans doute en raison de l’impact du dense statut collectif applicable sur ce point aux entreprises. En effet les accords et conventions collectifs, mais surtout les usages en vigueur dans l’entreprise, quand ce ne sont pas les usages professionnels, viennent perturber la logique du raisonnement à partir des contraintes légales.

Ainsi lorsque son contrat de travail est suspendu, la survenance d’un jour férié est sans effet au profit du salarié : non seulement il ne bénéficiera pas du « report » de ce repos, mais en outre il ne percevra pas de majoration de rémunération. Il en est notamment ainsi en pratique, lorsque ce jour férié « tombe » un dimanche, jour du repos hebdomadaire dans la plupart des entreprises.

Bien entendu, le statut collectif applicable à l’entreprise peut sur ce point améliorer le sort des salariés. Report des jours fériés ou rémunération majorée, mais encore attribution d’un jour férié supplémentaire, ou neutralisation de la journée de solidarité etc., peuvent ainsi être mis en oeuvre, de façon dérogatoire aux dispositions légales.

Il ne faut toutefois pas tirer de cet éventuel régime conventionnel (ou de l’usage) une règle générale, ni un principe transcendant la règlementation sociale d’ordre public : si la norme dérogatoire n’en dispose pas autrement de façon expresse, c’est uniquement la règle légale qui trouve application. La Cour de cassation rappelle cette solution dans l’arrêt ci-dessous reproduit, s’agissant d’un accord collectif encadrant un compte-épargne-temps.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 23 novembre 2022 (pourvoi n° 21-17.300, publiéau Bulletin)

1°/ Mme [O] [K], domiciliée [Adresse 3],

2°/ le syndicat CFTC, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° P 21-17.300 contre l’arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à l’Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie du Nord-Est, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à M. le ministre chargé de la Sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 1],

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 1er avril 2021), Mme [K], salariée de l’Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie du Nord-Est, a bénéficié d’un congé sans solde de fin de carrière pour la période du 31 mai 2018 au 30 mars 2019.

2. Soutenant que les congés issus du compte épargne-temps ne pouvaient pas être imputés sur les jours fériés, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’indemnité de congé non pris en raison de l’imputation des congés sur les jours fériés.

3. Le syndicat CFTC (le syndicat) est intervenu à l’instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée et le syndicat font grief à l’arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à faire juger que l’employeur a violé les dispositions de l’article L. 3133-3 du code du travail et à la condamnation de ce dernier au paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de dommages -intérêts, alors « que le compte épargne-temps permet au salarié d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu’il y a affectées, et d’autre part que le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire ; qu’en déboutant la salariée de sa demande de paiement d’un complément d’indemnité de congé de fin de carrière par utilisation de son compte d’épargne-temps incluant le paiement des jours fériés de la période, aux motifs inopérants que l’accord collectif applicable dispose que le contrat de travail est suspendu pendant la période de congés et que son indemnisation est exclusive d’une rémunération au titre de la prestation de travail, la cour d’appel a violé les articles L 3151-1 et L 3133-3 du code du travail, ensemble les articles 4.2.2. et 5 du Protocole d’accord relatif au compte épargne temps dans les organismes de sécurité sociale du 8 mars 2016. »

Réponse de la Cour

5. Selon l’article L. 3151-2 du code du travail, le compte épargne-temps permet au salarié d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu’il y a affectées.

6. Les sommes issues de l’utilisation, par le salarié, des droits affectés sur son compte épargne-temps ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération, puisque, d’une part, le salarié et l’employeur décident librement de l’alimentation de ce compte et, d’autre part, la liquidation du compte épargne-temps ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables.

7. Selon les articles 4 et 5 du protocole d’accord relatif au compte épargne-temps dans les organismes de sécurité sociale, le compte épargne-temps permet l’indemnisation de tout ou partie d’un congé sans solde d’origine légale ou conventionnelle. Le contrat de travail est suspendu et l’intéressé perçoit une indemnité calculée sur la base de son salaire au moment du départ et correspondant à la valeur en euros, au jour du départ, du nombre de jours épargnés. Il en résulte que, le congé sans solde entraînant la suspension du contrat de travail, le salarié ne peut prétendre à aucune rémunération au titre des jours fériés afférents à cette période.

8. La cour d’appel, qui a retenu à bon droit que la salariée ne pouvait prétendre durant la période de congé sans solde qu’à une indemnisation au titre du compte épargne-temps, a exactement décidé que l’employeur n’était pas dans l’obligation de payer les rémunérations relatives aux jours fériés inclus dans ce congé.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)