Le Législateur définit expressément le motif économique de licenciement ; le Code du travail fournit même désormais des critères objectifs d’appréciation, encadrant notamment le contrôle judiciaire. Les difficultés économiques invoquées par l’employeur peuvent ainsi être évaluées par rapport à certains indicateurs, tels que l’évolution de l’activité de l’entreprise, son chiffre d’affaire, son résultat etc.

Bien entendu la jurisprudence sociale rappelle régulièrement que l’employeur reste libre de justifier ces difficultés économiques à partir d’autres éléments. Elle rappelle pareillement, dans l’arrêt ci-dessous reproduit, que le Juge reste libre d’apprécier le caractère réel et sérieux de ces difficultés économiques.

Ainsi même si l’employeur établit une situation financière à partir des indicateurs légaux, le Juge reste souverain pour décider de leur valeur « significative » au regard de la situation globale de l’entreprise. Par exemple en l’espèce, même si des pertes de résultat sont enregistrées sur 3 exercices successifs, cela ne suffit pas en soi et pour cette seule raison, à justifier des difficultés économiques suffisantes pour permettre un licenciement économique, dès lors notamment que le chiffre d’affaire quant à lui est en croissance permanente sur la période.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 18 octobre 2023 (pourvoi n° 22-18.852, pulié au Bulletin)

Mme [V] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-18.852 contre l’arrêt rendu le 8 avril 2022 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l’opposant à la société C-Quadrat asset management France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 8 avril 2022), Mme [D] a été engagée en qualité d’assistante administrative, à compter du 1er octobre 2003, par la société Avenir finance immobilier, son contrat de travail ayant fait l’objet d’un transfert en dernier lieu à la société Advenis investment managers (la société) appartenant au groupe Advenis, devenue la société C-Quadrat asset management France.

2. Le 9 décembre 2016, la société a convoqué la salariée a un entretien préalable en vue d’un licenciement économique. Son contrat de travail a été rompu après qu’elle a accepté, le 4 janvier 2017, le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait alors été proposé.

3. La salariée a saisi la juridiction prud’homale notamment en contestation de cette rupture.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter en conséquence de ses demandes fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué retient que la société produit également s’agissant du secteur d’activité en cause l’existence, nonobstant un chiffre d’affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017″ et que ceci atteste des difficultés avérées […] en ce qui concerne le secteur de référence » ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les pertes étaient significatives, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Aux termes de ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

6. Pour dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l’arrêt constate d’abord, d’une part, que la lettre de licenciement invoque les difficultés économiques du groupe se traduisant par des résultats d’exploitation déficitaires depuis trois années et compromettant la compétitivité et la capacité de l’entreprise à maintenir et développer ses activités, d’autre part, que le secteur d’activité à prendre en considération pour apprécier le motif économique est celui de la distribution et la gestion des actifs dont relève la société.

7. Il retient ensuite que pour justifier de sa situation économique, la société produit un tableau faisant apparaître, s’agissant du secteur d’activité en cause, l’existence, nonobstant un chiffre d’affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017 et en déduit que les difficultés sont avérées en ce qui concerne le secteur de référence.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser le caractère sérieux et durable des pertes d’exploitation dans le secteur d’activité considéré, sans rechercher si l’évolution de l’indicateur économique retenu était significative, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
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PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)