La Cour de cassation unifie sa jurisprudence relative à la prescription de l’action de l’employeur, en vue de voir déclarée inopposable à son profit la décision de la Caisse d’assurance maladie concernant un salarié. En l’absence de dispositions spécifiques dans le Code de sécurité sociale, en effet, l’action judiciaire concernant la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est prescrite par 5 ans, conformément au Droit commun.

Dans l’arrêt ci-dessous reproduit du 13 octobre 2022, la deuxième chambre civile étend ce raisonnement, et donc ce délai de prescription, à l’action en inopposabilité de la décision établissant le taux d’incapacité permanente partielle, permettant de fixer la rente du salarié assujetti. En revanche la Cour de cassation développe la solution jusqu’à son terme : ainsi le point de départ de ce délai quinquennal ne peut être la notification de la décision de la Caisse à l’employeur (qui fait partir le délai de deux mois prévu spécifiquement par le Code de sécurité sociale pour les actions contre les décision de l’organisme), mais bien l’information reçue de l’employeur, conformément au Droit commun.

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, 2ème Chambre civile, 13 octobre 2022 (pourvoi n° 21-14.785, publié au Bulletin)


La caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-14.785 contre l’arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (A)), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée société [6],

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance et des accidents du travail, 28 janvier 2021), le 11 février 2004, la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 5] (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l’accident dont a été victime l’une des salariées de la société [6], aux droits de laquelle vient la société [4] (l’employeur).

2. Par décision du 15 juin 2007, la caisse a notifié à la victime un taux d’incapacité permanente partielle de 10 %.

3. Le 11 mai 2015, l’employeur a saisi d’un recours une juridiction du contentieux technique.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l’arrêt de déclarer recevable le recours de l’employeur contre la décision attributive de rente, alors « que l’action de l’employeur tendant à contester le bien-fondé de la décision d’une caisse primaire d’assurance maladie relative aux conséquences d’un accident du travail (taux d’IPP), est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil ; que la cour d’appel ne pouvait donc écarter la prescription quinquennale ; qu’en le faisant, elle a violé l’article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, R. 143-7, alinéa 2, et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, alors en vigueur, le troisième dans sa rédaction issue du décret n° 2006-111 du 2 février 2006 :

5. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

6. Il résulte des deux derniers que l’information donnée par la caisse à l’employeur sur le taux d’incapacité permanente partielle attribué à la victime d’un accident ou d’une maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois.

7. Dans la continuité d’un arrêt du 9 mai 2019 (2e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-10.909), relatif au recours en inopposabilité de l’employeur, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 22 octobre 2020 (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-17.130), décidé que l’action en contestation du taux d’incapacité permanente partielle ne revêtait pas le caractère d’une action au sens de l’article 2224 du code civil.

8. Cependant, la Cour de cassation a jugé depuis lors, par des arrêts du 18 février 2021 (2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886 et pourvoi n° 19-25.887), que l’action de l’employeur tendant à contester l’opposabilité ou le bien-fondé de la décision d’une caisse primaire d’assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident, d’une maladie ou d’une rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil.

9. Le réexamen de la question de l’application de la prescription quinquennale au recours en contestation du taux d’incapacité permanente partielle par l’employeur, est, dès lors, justifié.

10. Le recours ouvert à l’employeur pour contester la décision d’une caisse primaire attribuant un taux d’incapacité permanente partielle à la victime d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’une rechute constitue une action en justice.

11. En conséquence, en l’absence de texte spécifique, cette action est au nombre de celles qui se prescrivent par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil.

12. Pour déclarer recevable l’action de l’employeur, l’arrêt retient qu’il n’était pas établi que ce dernier ait reçu notification de la décision contestée, de sorte que la caisse ne peut lui opposer la forclusion de son action devant le tribunal du contentieux de l’incapacité, peu important que l’employeur ait eu connaissance du taux d’incapacité permanente partielle par le biais de son compte employeur annuel adressé par la caisse régionale d’assurance maladie plus de cinq ans auparavant.

13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le premier des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)