La contestation à l’encontre de la décision d’un organisme social, débute impérativement en principe par la saisine de sa Commission de recours amiable (CRA) : à défaut, l’action diligentée devant le Pole social du Tribunal judiciaire serait frappée de nullité. Il est donc nécessaire au justiciable de justifier de cette saisine, dans le délai de deux mois à compter de la notification régulière de la décision contestée.

Toutefois le mode de saisine de cette CRA n’est pas imposé par la règlementation sociale : il est cependant vivement suggéré à l’assujetti d’adresser un courrier recommandé avec accusé de réception à la Caisse, pour démontrer la date d’envoi de l’acte de saisine, et le cas échéant sa date de réception (qui fait courir de délai de rejet implicite). Mais le contenu de cet acte de saisine reste libre, dès lors que la contestation apparaît clairement.

De même le destinataire de la contestation n’est pas strictement formalisé par la Loi : ainsi un courrier adressé à la Caisse, ou à son Directeur, reste valable dès lors que ce courrier mentionne qu’il porte la contestation d’une décision de la Caisse précisément mentionnée et annexée. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit par extraits.

COUR DE CASSATION, 2ème Chambre civile, 21 mars 2024 (pourvoi n° 22-13.906, publié au Bulletin)

La caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-13.906 contre le jugement rendu le 28 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social, contentieux général de la sécurité sociale et de l’aide sociale), dans le litige l’opposant à M. [T] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

(…)

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, 28 janvier 2022), rendu en dernier ressort, M. [B] (l’assuré), après contestation par un courrier du 10 avril 2020 des retenues opérées par la caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais (la caisse) sur les indemnités journalières qu’elle lui avait versées, dont la caisse a accusé réception le 29 mai 2020, a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

(…)
8. La caisse fait grief au jugement de déclarer le recours formé par l’assuré recevable, alors « que la contestation portée devant le directeur de l’organisme de sécurité sociale ne vaut pas saisine de la commission de recours amiable, qui est un organe distinct, et ne fait pas obstacle à ce que la forclusion soit opposée à l’assuré ; qu’en l’espèce, le conseil de l’assuré, le 10 avril 2020, s’est adressé au directeur de la caisse afin de lui demander de communiquer les éléments sur la base desquels les diverses retenues avaient été opérées ou de procéder à leur annulation; qu’en considérant qu’une telle interpellation du directeur de la caisse valait saisine de la commission de recours amiable dès lors que la caisse avait répondu, le 29 mai 2020, qu’elle accusait réception du recours amiable et que le dossier allait faire l’objet d’une instruction au terme de laquelle il serait examiné par la commission de recours amiable, le tribunal a violé les articles L. 142-4 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable. »

Réponse de la Cour

9. Selon l’article L. 142-4 du code de la sécurité sociale, les recours contentieux formés en matière d’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont précédés d’un recours préalable.

10. Selon l’article R. 142-1-A, I, du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions particulières prévues par la section 2 du chapitre 2 du titre IV du livre I et des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, la motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale ainsi que les recours préalables mentionnés à l’article L. 142-4 du même code, sont régis par les dispositions du code des relations du public avec l’administration.

11. Aux termes de l’article L. 114-2 du code des relations du public avec l’administration, lorsqu’une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l’administration compétente et en avise l’intéressé.

12. Le jugement constate que dans un courrier daté du 29 mai 2020, la caisse a qualifié de recours amiable le courrier adressé par le conseil de l’assuré en indiquant : « Nous accusons réception en date du 10 avril 2020 de votre recours amiable. Votre dossier va faire l’objet d’une instruction au terme de laquelle il sera examiné par la Commission de Recours Amiable ». Il retient que la caisse ne saurait reprocher à l’assuré, sans se contredire elle-même, de s’être fié au contenu de ce courrier.

13. De ces constatations et énonciations, le tribunal a exactement déduit que l’assuré ayant exercé un recours amiable préalable le 10 avril 2020 avant de saisir la juridiction, son recours était recevable.

14. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE