Le harcèlement moral, qui constitue un délit pénal puni principalement de peines d’emprisonnement et d’amende, peut parfois apparaître comme une panacée aux plaideurs. Son régime probatoire, devant le Conseil de Prud’hommes, permet en effet d’engager la responsabilité de l’employeur sans apporter de preuve matériellement vérifiable des actes de harcèlement : le salarié doit ainsi seulement présenter un ensemble de faits répétés établissant une possibilité de harcèlement moral.

L’employeur doit alors quant à lui démontrer objectivement l’absence de tout harcèlement ; or la preuve négative est délicate à rapporter… Les conséquences du harcèlement moral, au-delà de l’indemnisation du salarié, sont par ailleurs redoutables : tout acte ou décision pris dans ce contexte est nul, y compris le licenciement du salarié victime.

C’est sur ce point que le plaideur agissait, dans le cas exposé par l’arrêt ici signalé de la Cour de cassation : établissant le harcèlement subi, il prétendait à la nullité de la rupture du contrat de travail, intervenue dans ce contexte. Or la résiliation était issue d’une rupture conventionnelle du contrat de travail, non de sa rupture unilatérale à l’initiative de l’employeur.

Ce sont les dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail qui trouvent alors application : hormis une irrégularité de la procédure, seule la nullité de la convention de rupture peut conduire à la disqualification de la résiliation. Or le salarié ne peut justifier de cette nullité qu’en rapportant notamment la preuve objective d’un vice de son consentement.

Mais cette étape du raisonnement faisait défaut, en l’espèce, le demandeur se limitant à se prévaloir du harcèlement moral dont son adversaire ne rapportait pas la preuve contraire. La Chambre sociale est donc amenée à sanctionner la décision contestée par l’entreprise employeur, et à renvoyer cette affaire devant le Juge du fond.

Sans doute un débat sur la violence (morale) ou le dol commis par un employeur harceleur devra désormais s’instaurer, mais sans le bénéfice d’un régime probatoire dérogeant au Droit commun. Le doute profitera ici à l’employeur.

 

Cour de cassation, chambre sociale, 23 janvier 2019 (pourvoi n° 17-21.550, publié au bulletin)
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Vu les articles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Z… a été engagée par la société Cordirom en qualité d’agent administratif et commercial le 10 juin 2011 ; que les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 28 avril 2014 ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que pour déclarer nulle la rupture conventionnelle, l’arrêt retient qu’un salarié peut obtenir l’annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu’il établit qu’elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement, que la salariée n’invoque en l’espèce aucun vice du consentement mais que, le harcèlement moral étant constitué, il convient de constater la nullité de la rupture conventionnelle ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)