Les salariés investis d’un mandat de représentation visé par les articles L.2411-1 et suivants du Code du travail, bénéficient d’une protection efficace notamment contre le licenciement. En effet la rupture de leur contrat de travail n’est possible qu’avec l’autorisation expresse de l’Inspection du travail

Cela n’empêche pas l’intervention du Juge prud’homal, qu’il s’agisse de statuer sur des demandes liées à la formation ou l’exécution du contrat, voire même à la procédure de licenciement postérieure à l’autorisation administrative. Toutefois l’articulation imperméable entre les prérogatives du pouvoir judiciaire et celles du pouvoir exécutif, exige de préciser le champ de compétence respectif de chacun.

Ainsi le salarié ayant initié devant le Conseil de prud’hommes une action en résiliation judiciaire, puis licencié suite à autorisation de l’Administration alors que le jugement n’est pas encore rendu, ne peut plus maintenir cette demande (contrairement à la situation d’un salarié non-protégé) et est contraint de s’en tenir à une demande d’indemnisation des manquements de l’employeur, antérieurs ou postérieurs à la rupture. C’est par exemple ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit par extraits.

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 15 juin 2022 (pourvoi n° 20-22.340, publié au Bulletin)

La société Etablissements Mauviel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-22.430 contre l’arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d’appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [P] [C], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi Normandie, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 1er octobre 2020), Mme [C] a été embauchée par la société Établissements Mauviel (la société), en qualité d’assistante commerciale, à compter du 1er août 2010.

2. Elle a été désignée membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

3. Par requête en date du 26 janvier 2017, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes de résiliation de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes.

4. Par lettre du 24 novembre 2017, elle a été licenciée, après autorisation de l’inspecteur du travail, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

(…)

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l’arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que lorsqu’un licenciement a été notifié à la suite d’une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu’en l’espèce, il résulte de l’arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l’inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n’a pas exercé de recours ; qu’en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu’elle produisait les effets d’une rupture nulle, la cour d’appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et L. 2411-13 du même code, alors applicable :

11. Lorsqu’un licenciement a été notifié à la suite d’une autorisation administrative de licenciement accordée à l’employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture.

12. Pour prononcer la résiliation judiciaire, l’arrêt retient qu’a été reconnu le harcèlement moral dont se plaignait la salariée pour certains des agissements de l’employeur et que la gravité de ce manquement rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture de celui-ci.

13. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le licenciement de la salariée, préalablement autorisé par l’inspecteur du travail, lui avait été notifié par lettre du 24 novembre 2017, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

(…)

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)