Lorsque la rupture du contrat de travail (licenciement ou rupture anticipée du CDD) est annulée par le Juge, le salarié obtient notamment à titre de réparation, le paiement des revenus qu’il a perdu du fait de la perte (temporaire ?) de son emploi. La différence avec la sanction de la rupture abusive est importante : il ne s’agit pas seulement de dommages-intérêts, ni d’une réparation plafonnée par le Code du travail comme l’est surtout l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi le salarié peut prétendre à la perte de salaire entre la prétendue rupture de son contrat, et sa réintégration ou l’indemnisation de cette rupture s’il choisit de ne pas réintégrer son emploi perdu. La nature de cette réparation est clairement salariale : c’est la raison pour laquelle l’employeur est tenu aux charges sociales afférentes, et à la reconstitution éventuelle de la « carrière » de l’intéressé (augmentations conventionnelles de salaire, par exemple).

Mais bien sûr la perte de ressource ne s’entend que de la différence entre le salaire perdu, et les revenus (ou substituts) réellement perçus par l’intéressé au cours de la période concernée. Ce sont les points que rappelle opportunément la Cour de cassation dans l’arrêt ici signalé.

Cour de cassation, Chambre sociale, 16 octobre 2019 (pourvoi n° 17-31.624, publié au bulletin)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. P…  a été engagé le 10 octobre 1996, par la Caisse régionale d’assurance maladie Midi-Pyrénées, devenue Caisse d’assurance retraite et santé au travail (Carsat) Midi-Pyrénées, en qualité d’ingénieur conseil stagiaire ; qu’il était, en dernier lieu, en charge de l’enseignement supérieur et de l’intérim ; que le 2 juin 2009, le salarié a été placé en arrêt de travail lequel a été pris en charge au titre de la législation des accidents du travail ; que le 10 juillet 2009, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse  ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à voir déclarer nul son licenciement, obtenir sa réintégration et le paiement de diverses indemnités ;

(…)
Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de juger que les revenus de remplacement qu’il a perçus seront déduits de l’indemnité d’éviction due par l’employeur alors, selon le moyen, qu’en application des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, tout licenciement prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail, en l’absence de faute grave du salarié ou d’une impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail, est nul ; que dès lors qu’il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié licencié en période de protection pour accident du travail, qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans qu’il y ait lieu de déduire des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu’il importe peu, dès lors qu’est caractérisée la méconnaissance consciente par l’employeur du droit fondamental du salarié à la protection de sa santé lésée par un accident du travail, que son état de santé n’ait pas constitué le motif ayant déterminé l’employeur à rompre le contrat ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué, qui en a prononcé la nullité pour ce motif, que licenciement du salarié a été prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail ; qu’en jugeant cependant que devaient être déduits du montant total des salaires qui auraient dû être perçus par le salarié, les salaires et revenus de remplacement qu’il avait perçus au motif inopérant que le licenciement n’avait pas été prononcé en raison de l’état de santé du salarié, la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi du salarié :

Vu l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour rejeter la demande de régularisation des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents, l’arrêt retient que les sommes qui sont allouées au salarié au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l’occasion du travail et entre dans l’assiette des cotisations sociales, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)