La réforme du Code du travail opérée par les ordonnances de septembre 2017, a entendu simplifier la procédure de licenciement. Son formalisme a en effet été renforcée par la jurisprudence sociale, au point d’apparaître souvent en pratique comme un piège pour l’employeur.

Une matrice de lettre de licenciement a ainsi, par exemple, été mise à la disposition des entreprises par l’Administration, même si son succès se révèle très relatif. Le système peut en effet se révéler dangereux, pour l’employeur estimant à tort que le Juge n’est pas compétent pour statuer sur l’irrégularité de sa rédaction, notamment s’agissant de la mention précise du motif de rupture.

Il est en effet impératif que la notification du licenciement, quel qu’en soit le motif, informe précisément le salarié des raisons pour lesquelles la rupture est décidée. Et c’est cette information formelle qui fera exclusivement l’objet de l’apprécisation judiciaire, en cas de contestation.

Par conséquent une lettre de licenciement non-motivée, ou seulement insuffisament motivée, entraîne la disqualification de la rupture en raison de l’absence de motif réel et sérieux. Longtemps, la négligence de l’employeur quant à la rédaction de cette lettre, aux conséquences indemnitaires lourdes pour l’entreprise, était totalement irratrapable dès lors que la lettre recommandée avait été envoyée.

Le Législateur a donc autorisé l’employeur à préciser (non pas à compléter) le motif ainsi mentionné, dans les quinze jours de la notification de la lettre de licenciement, par un courrier formel supplémentaire. Cette mesure permet de régulariser certaines procédures, dès lors que cette dernière fait l’objet du contrôle d’un Conseil, notamment.

Mais en parallèle le salarié est lui aussi autorisé à solliciter formellement, et dans le même délai, des précisions quant au motif de son licenciement : l’employeur qui ne répondrait pas s’expose le cas échéant à la sanction du licenciement abusif. Le Juge par ailleurs devra apprécier tant la lettre de licenciement que l’éventuel courrier de réponse de l’employeur.

La pratique a donc souvent choisi, par prudence, de rappeler cette possibilité pour l’employeur et le salarié de préciser ou faire préciser le motif de licenciement, dans la lettre de licenciement elle-même. Or cette mention est inutile, aucune disposition règlementaire ne l’imposant.

Le salarié ne pourrait donc considérer que la procédure de licenciement est irrégulière, ni surtout que la lettre de licenciement est insuffisament motivée, du fait de l’absence d’une telle information dans la lettre notifiant la rupture. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit par extraits.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 29 Juin 2022 (pourvoi n° 20-22.220, publié au Bulletin)

Mme [Y] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-22.220 contre l’arrêt rendu le 29 septembre 2020
par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à la société BNP Paribas,
société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
(…)
Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué ( Colmar, 29 septembre 2020) Mme [P] a été engagée par la société BNP Paribas à compter
    du 9 mai 1983 en qualité d’assistante. Elle occupait au dernier état de la relation de travail les fonctions de
    directrice commerciale.
  2. Le 22 juin 2017 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 6 juillet
    2017.
  3. L’entretien préalable a été successivement reporté au 22 août, au 3 octobre 2017 et au 5 janvier 2018.
  4. Elle a été licenciée pour faute grave le 2 février 2018.
  5. La salariée a saisi la juridiction prud’homale, le 15 mars 2018, en nullité de son licenciement et en contestation
    de son bien-fondé.
  6. (…)
  7. La salariée fait grief à l’arrêt de dire régulier et bien-fondé son licenciement pour faute grave, de la débouter de
    l’ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles, alors :
    « 1° / qu’il incombe à l’employeur de préciser dans la lettre de licenciement que le salarié peut, en vertu des
    dispositions de l’article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d’apporter des précisions sur les motifs de la
    rupture ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que l’employeur n’avait pas informé la salariée de cette possibilité
    ; qu’en énonçant, pour dire la lettre de licenciement suffisamment motivée et le licenciement bien-fondé, que la
    salariée s’était abstenue d’user des dispositions de l’article R. 1232-13 du code du travail pour demander à son
    employeur de lui préciser les motifs de la rupture, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui
    s’évinçaient de ses propres constatations, a violé l’article R. 1232-13 du code du travail, ensemble l’article 1147
    devenu L. 1231-1 du code civil ;
    2°/ que la lettre de licenciement n’est suffisamment motivée que si elle fait état de motifs matériellement
    vérifiables ; qu’en affirmant que la lettre de licenciement « s’avère précisément motivée » quand elle ne comportait
    ni le nom des salariés imputant à la salariée des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de
    ces prétendus agissements, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-6 du code du travail.
    Réponse de la Cour
  8. D’abord, aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-
    1387 du 22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1232-6, L. 1233-
    16 et L. 1233-42 du même code peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son
    initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’État.
  9. Selon l’article R. 1232-13 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre
    2017, le salarié peut, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, demander à l’employeur des
    précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L’employeur dispose d’un délai de quinze jours
    après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite. Il communique ces
    précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de
    quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative,
    préciser les motifs du licenciement.
  10. Il en résulte qu’aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que
    les motifs de la lettre de licenciement soient précisés.
  11. (…)
    PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)