Par plusieurs arrêts rendus en date du 30 juin 2021, dont la décision ci-dessous reproduite par extraits, la Cour de cassation rappelle les mécanismes des prescriptions encadrant le contentieux prud’homal. Les courtes durées de principe sont en effet inférieures aux prescriptions civiles de Droit commun : 1 an pour les actions portant sur la rupture du contrat de travail, 2 ans pour celles relatives à son exécution, 3 ans pour les rappels de salaire, 5 ans pour les actions indemnitaires en matière de discrimination abusive ou harcèlement etc.

Or l’origine du rappel de salaire importe peu : une demande en paiement de rémunérations dues à la suite de la requalification d’un emploi à temps partiel en temps plein, de la reclassification du poste de travail, de l’annulation d’une sanction disciplinaire etc., se prescrit par 3 ans. Et ce même si en revanche la demande de dommages-intérêts afférente à ces requalification, reclassification, ou annulation, est quant à elle prescrite par 2 ans.

Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2021 (pourvoi n° 19-10.161, publié au Bulletin)


1. Selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 14 novembre 2018), Mme [P] a été engagée, le 1er octobre 2005, par la société Granier, aux droits de laquelle est venue la société A2 propreté, en qualité d’agent de propreté niveau AS1 à temps partiel.


2. La salariée a saisi la juridiction prud’homale, le 24 juin 2016, afin d’obtenir la requalification de son contrat à temps partiel en un contrat à temps plein, le bénéfice de la qualification professionnelle de chef d’équipe niveau 3, à compter de juin 2013, et la condamnation de son employeur au paiement de rappel de salaires et de prime d’expérience en découlant.

(…)
4. La salariée fait grief à l’arrêt de déclarer son action irrecevable pour l’ensemble de ses demandes au motif que l’action était prescrite et de décider que ses demandes en rappel de salaire résultant de la demande de requalification de son contrat de travail à temps plein étaient prescrites, alors « que la prescription triennale instituée par l’article L. 3245-1 du code du travail, s’applique à toute action afférente au salaire ; que la cour d’appel qui a décidé que la demande en paiement des salaires résultant de l’action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet se prescrivait en 2 ans en application de l’article L. 1471-1 du code du travail, a violé par refus d’application l’article L. 3245-1 du code du travail et par fausse application l’article L. 1471-1 du même code. »

(…)
Vu l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l’article L. 3245-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :


8. Aux termes du premier de ces textes, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Selon le second, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.


9. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail.


10. Pour déclarer l’action de la salariée irrecevable comme étant prescrite, l’arrêt retient que les demandes en paiement de sommes résultent de son action en requalification de son contrat de travail à temps complet en sorte qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 1471-1 du code du travail, dès lors que ses réclamations pécuniaires sont la conséquence de ses prétentions en requalification à temps complet de son contrat de travail.


11. L’arrêt ajoute que la salariée ne peut pas valablement prétendre que sa demande ne repose pas sur un fait unique mais sur une situation qui a perduré jusqu’à son placement en maladie et que c’est la prescription triennale qui s’applique, aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dès lors que cet article ne concerne que l’action en paiement du salaire qui ne peut trouver ici à s’appliquer.


12. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés, par fausse application du premier et refus d’application du second.

(…)
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)