Pour bénéficier de la protection contre le licenciement, le salarié investi d’un mandat de représentation doit en informer son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable. Si cette information ne lui parvient qu’après cet entretien, cela ne remet pas en cause la régularité de la procédure de licenciement.
Mais la Cour de cassation élargit le champ de cette protection, dans l’arrêt ci-dessous reproduit. En effet si postérieurement à l’entretien préalable, l’employeur a l’obligation de procéder à un autre entretien (par exemple comme en l’espèce, si un accord collectif impose le passage du salarié en conseil de discipline), l’information relative à l’existence du mandat peut encore à ce moment lui être notifiée efficacement.
Ainsi même si l’entretien préalable est déjà accompli, il sera alors nécessaire de solliciter l’autorisation administrative de licencier auprès de l’Inspection du travail. Il ne semble toutefois pas admis que la désignation intervenue après l’entretien préalable, quant à elle, soit efficace à procurer la protection afférente si elle est notifiée à l’employeur postérieurement à la convocation à entretien préalable.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 27 novembre 2024 (pourvoi n° 22-21.693, publié au Bulletin)
La société Keolis [Localité 3] mobilités, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-21.693 contre l’arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d’appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l’opposant à M. [E] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 7 juillet 2022) statuant en matière de référé, M. [T] a été engagé en qualité d’agent commercial de conduite le 4 juillet 2005 par la société Twisto devenue Kéolis [Localité 3] mobilités (la société). Il exerçait des fonctions d’agent commercial de conduite-vérificateur aux derniers temps de la relation de travail.
2. Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 avril 2021, le salarié a été licencié, le 20 mai 2021, pour faute grave.
3. Soutenant que son employeur était informé de sa qualité de conseiller du salarié avant la tenue du conseil de discipline prévue par la convention collective applicable et que l’employeur aurait dû solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en référé, le 30 septembre 2021, aux fins d’ordonner sa réintégration sur le fondement d’un trouble manifestement illicite.
(…)
5. Par le premier moyen, la société fait grief à l’arrêt d’ordonner la réintégration du salarié dans son poste d’agent commercial de conduite vérificateur et de la condamner à lui payer certaines sommes à titre de provisions sur salaires et sur dommages-intérêts pour préjudice moral, alors « que ne constitue pas un trouble manifestement illicite le licenciement notifié à un salarié protégé sans saisine de l’inspection du travail dès lors qu’à la date de l’entretien préalable, l’employeur n’était pas informé du mandat de conseiller du salarié de l’intéressé ; qu’il importe peu que l’employeur en ait eu connaissance entre l’entretien préalable et la comparution du salarié devant le conseil de discipline appelé à donner son avis, en vertu de dispositions conventionnelles, sur le licenciement disciplinaire envisagé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que lors de l’entretien préalable en date du 16 avril 2021, le salarié n’avait pas informé son employeur de son mandat de conseiller du salarié ; qu’en affirmant que le licenciement notifié le 20 mai 2021 sans autorisation de l’inspecteur du travail constituait un trouble manifestement illicite dès lors que l’employeur avait été avisé de la désignation du salarié par courrier du préfet du Calvados reçu le 4 mai 2021, soit avant l’audition du salarié devant le conseil de discipline le 7 mai 2021, la cour d’appel a violé l’article R. 1455-6 du code du travail . »
6. Par le second moyen, la société fait le même grief à l’arrêt, alors « que pour se prévaloir de la protection attachée au mandat de conseiller du salarié mentionné par l’article L. 2411-1, 16°, du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, avoir informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l’employeur en avait alors connaissance ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable qui s’était tenu le 16 avril 2021 et que l’employeur n’avait eu l’information du mandat du salarié que postérieurement, par courrier du Préfet du Calvados, reçu le 4 mai 2021 ; que néanmoins, pour considérer que l’employeur devait solliciter de l’inspection du travail une autorisation de licenciement, la cour d’appel a retenu que des auditions du salarié avaient eu lieu devant le conseil de discipline postérieurement à l’entretien préalable, les 30 avril et le 7 mai 2021, et qu’en ce que ces auditions avaient, en vertu des dispositions conventionnelles applicables, le même objet que l’entretien préalable, il y avait lieu de se placer à la date de la dernière audition, soit le 7 mai, pour déterminer si l’employeur était informé de l’existence du mandat du salarié ; qu’en statuant par de tels motifs, la cour d’appel a violé les articles L. 2411-1, 16°, L. 1232-14 et L. 2411-21 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des articles L. 1232-14 et L. 2411-21 du code du travail que le licenciement du conseiller du salarié ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
8. La Cour de cassation juge que pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller du salarié mentionné par l’article L. 2411-1, 16°, du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, avoir informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l’employeur en avait alors connaissance (Soc., 14 septembre 2012, pourvoi n°11-21.307, Bull. 2012, V, n°230 ; Soc., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-28.269, Bull. 2013, V, n° 84 ; Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.982, Bull. 2016, V, n° 143) .
9. Il en résulte qu’un employeur, informé de l’existence d’un mandat extérieur du salarié au plus tard lors du dernier entretien, préalable au licenciement, imposé par une disposition de la convention collective applicable, doit saisir l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation administrative de licenciement.
10. Ayant constaté que l’employeur avait été informé le 4 mai 2021 de la désignation de M. [T] comme conseiller du salarié et que le dernier entretien, préalable au licenciement, requis par la procédure conventionnelle applicable, avait eu lieu le 7 mai 2021, lors de la comparution du salarié devant le conseil de discipline, la cour d’appel en a exactement déduit que le licenciement du salarié, le 20 mai 2021, sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail, constituait un trouble manifestement illicite.
11.Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)
Commentaires récents