La presse s’est faite l’écho jeudi dernier 18 juillet, du rapport déposé par la commission Delevoye constituée pour préfigurer la réforme du système français d’assurance-vieillesse. Nul doute qu’il s’agisse dans les grandes lignes du projet de loi à venir, même si légitimement l’on comprend que cette annonce médiatique est destinée à lancer la période de discussion et négociations sociales, tempérant sans doute la réforme finale.

C’est qu’en effet le rapport envisage une refonte non seulement globale, mais encore profonde du système en vigueur depuis près de 75 ans. Il faut toutefois rappeler que le Plan de 1945 prévoyait à l’origine, un régime unique et universel de protection sociale, et en l’occurrence une pension minimale destinée à couvrir les besoins essentiels de l’ancien actif.

La croissance exceptionnelle des 30 Glorieuses dans un premier temps, l’avènement de la société de consommation ensuite, et finalement un certain enkystement politique dès la fin du siècle dernier, ont dénaturé ce programme des fondateurs de la Sécurité Sociale. Depuis deux générations en effet, notamment la retraite est conçue davantage comme le financement d’une période de non-activité (civilisation des loisirs ?), que comme la compensation économique d’une incapacité d’être actif.

Le maintien d’une telle conception impose pourtant de modifier les mécanismes actuels (sensiblement évolués, toutefois, depuis les réformes législatives depuis 1993), puisque l’inflation démographique de la catégorie « retraités » ne correspond pas aux prévisions de l’après-seconde-Guerre-Mondiale. Consensuellement il est admis (les protestations de certains partenaires sociaux n’apparaissent souvent que comme exercice de communication) qu’il est nécessaire de reculer l’âge de départ en retraite, et partant la durée de cotisations (soit d’activité).

Il s’agit de maintenir (réduire ?) proportionnellement la charge des régimes d’assurance-vieillesse ; l’accroissement de l’espérance de vie en bonne santé, et l’amélioration constante des conditions de travail (attestée objectivement par la statistique), permettent cet objectif, et l’obligent même. Le rapport Delevoye ne détone pas sur ce point : si l’âge de départ à la retraite reste (symboliquement) à 62 ans, l’âge d’équilibre (nouveau concept) est désormais fixé à 64 ans (avant sans doute dans quelques années de passer à 65 ans, comme nombre de voisins européens).

En revanche l’innovation véritable du projet, et la réforme radicale qu’il projette, est la mutation du système actuel de calcul de la pension : il ne s’agit plus d’un calcul proportionnel au revenu d’activité. Il s’agit d’un système par points, l’assujetti actif thésaurisant donc des  »points » par les cotisations prélevées sur ses revenus d’activité : la pension découle ensuite d’une valeur du point indexée sur l’inflation.

Ce système est toujours basé sur un modèle de répartition, puisque les pensions des retraités sont financées par les cotisations des actifs (même taux pour tous ces actifs, quel que soit leur statut, et le cas échéant leur employeur) ; mais la valeur du point évolue en fonction de la croissance économique. Cette réforme permet en premier lieu un calcul plus simple des pensions, et une meilleure compréhension par l’assujetti.

En second lieu elle permet -enfin !…- la fusion de la quarantaine de régimes de retraite existants (travailleurs salariés, non-salariés, agricoles, fonctionnaires etc.), et donc à terme une maîtrise plus efficace du budget de la Protection Sociale (outre une économie d’échelle dès lors que les organismes sociaux pourront être fusionnés). Le taux d’acquisition des points, comme leur taux de service, est là encore le même pour tous.

Ce faisant, et c’est un corollaire, la mise en lumière de certaines « niches » devrait conduire à leur abrogation mieux admise, et une homogénéisation « citoyenne » du statut de retraité… Cela n’empêche pas la prise en compte de certains facteurs (pénibilité, enfants à charge, critères sociaux etc.) pour l’acquisition de points supplémentaires.

En dernier lieu cette réforme vise à la pérennisation à long terme d’un modèle français des retraites, qui impose son pilotage rationnel. Si naturellement les premières réactions sont vives de la part des partenaires sociaux, notamment dans les secteurs où les professionnels bénéficient d’une gestion vertueuse de leur Caisse de base, tous savent qu’il est indispensable de revoir les fondements du système.

Pour permettre une acclimatation en douceur, le rapport Delevoye envisage une mise en oeuvre à compter de l’année 2025, soit un déploiement en cinq ans. Les actifs âgés aujourd’hui de 57 ans ne devraient donc pas être impactés.

EN SAVOIR PLUS : https://www.reforme-retraite.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/un-systeme-universel-de-retraite-plus-simple-plus-juste-pour-tous