La qualité de salarié n’exonère pas celui-ci de sa responsabilité pénale. La solution est maintes fois rappelée en pratique, s’agissant notamment des infactions de conduite qualifiées par le Code de la route.

La Cour de cassation la reprend dans une décision relative à la règlementation applicable au transport aérien, exposée dans l’arrêt ici éclairé. Il est à noter de plus que la condamnation du salarié ayant commis l’infraction, n’empêche pas la condamnation conjointe de son employeur, si les textes engagent aussi ce dernier.

COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, 8 décembre 2020 (pourvoi n° 20-80.429, publié au bulletin)

M. O… I… a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Draguignan, en date du 20 décembre 2019, qui, pour violation d’une obligation définie par un décret ou un arrêté, l’a condamné à 38 euros d’amende.

(…)

2. M. O… I…, pilote d’hélicoptère, a été poursuivi devant le tribunal de police du chef de violation de l’arrêté préfectoral du 26 avril 2017 réglementant l’utilisation des hélisurfaces dans la presqu’île de Saint-Tropez pour ne pas avoir déclaré à la police aux frontières un mouvement d’hélicoptère effectué le 5 juillet 2018 sur l’hélisurface « Château de Pampelonne » sise sur la commune de Ramatuelle (Var).

(…)

3. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré M. I… coupable de violation d’une interdiction ou manquement à une obligation édictée par un arrêté de police pour assurer la tranquillité, la sécurité ou la salubrité publique, et, en conséquence, de l’avoir condamné à une amende de 38 euros ;

« 1°/ que seul le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police légalement faits est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe ; que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; que l’article 13 de l’arrêté du 6 mai 1995 permet l’utilisation des hélisurfaces sans autorisation administrative « sous réserve d’en aviser le directeur interrégional du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins compétent » ; que cette obligation d’information porte donc sur l’utilisation d’une hélisurface et non sur chacun des vols d’hélicoptère pouvant s’y poser ; que l’arrêté du 26 avril 2017, « portant réglementation provisoire des mouvements d’hélicoptères à Ramatuelle, Saint-Tropez, Gassin, Grimaud et Cogolin », précise localement les conditions d’application de l’arrêté du 6 mai 1995 ; que M. I… soutenait que l’article 8 de l’arrêté du 26 avril 2017 (qui prévoit que chaque déclaration doit comporter, outre « la localisation précise de l’hélisurface », « la date et l’heure d’utilisation de l’hélisurface » ainsi que « le nombre de mouvements ») ne pouvait être interprété comme imposant une déclaration pour tout atterrissage ou décollage depuis cette hélisurface sans ajouter aux termes de l’article 13 de l’arrêté du 6 mai 1995 (Conclusions, pp. 3-9) ; que, pour écarter cette exception d’illégalité, le tribunal de police a considéré que « l’article 8 de l’arrêté préfectoral du 26 avril 2017 est pris aux motifs de contrôler l’utilisation des hélisurfaces privées dans le but d’assurer la tranquillité et la sécurité publique, dont il n’est pas de l’office du juge de remettre en cause l’opportunité » ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les poursuites n’étaient pas fondées sur une interprétation de l’article 8 de l’arrêté du 26 avril 2017 qui méconnaissait les termes clairs de l’article 13 de l’arrêté du 6 mai 1995 dont il prétendait faire application, en ce que cette interprétation déduisait des obligations que l’arrêté précité ne prévoit pas, le tribunal de police a violé les articles 111-5 et R. 610-5 du code pénal ensemble les articles 8 de l’arrêté du 26 avril 2017 et 13 de l’arrêté du 6 mai 1995 ;

2°/ que seul le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police légalement faits est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe ; que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; que l’interdiction faite au juge répressif d’apprécier l’opportunité des actes administratifs ne saurait affecter le principe même de ce contrôle de légalité ; qu’en l’espèce, M. I… soutenait que l’article 8 de l’arrêté du 26 avril 2017 ne pouvait être interprété comme imposant une déclaration pour tout atterrissage ou décollage depuis cette hélisurface sans ajouter aux termes de l’article 13 de l’arrêté du 6 mai 1995 (Conclusions, pp. 3-9) ; que, pour écarter cette exception d’illégalité, le tribunal de police a considéré que « l’article 8 de l’arrêté préfectoral du 26 avril 2017 est pris aux motifs de contrôler l’utilisation des hélisurfaces privées dans le but d’assurer la tranquillité et la sécurité publique, dont il n’est pas de l’office du juge de remettre en cause l’opportunité » ; qu’en se contentant de rappeler de façon parfaitement inopérante l’objectif poursuivi par ce texte, sans rechercher si les poursuites n’étaient pas fondées sur une interprétation de l’article 8 de l’arrêté du 26 avril 2017 qui méconnaissait les termes clairs de l’article 13 de l’arrêté du 6 mai 1995 dont il prétendait faire application, le tribunal de police a violé les articles 111-5 et R. 610-5 du code pénal ensemble les articles 8 de l’arrêté du 26 avril 2017 et 13 de l’arrêté du 6 mai 1995 ;

3°/ que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ; qu’en l’espèce, ni l’arrêté du 6 mai 1995, ni l’arrêté du 26 avril 2017, ne mettent formellement à la charge des pilotes d’hélicoptère l’obligation d’aviser l’autorité administrative (directeur interrégional du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins) du fonctionnement des hélisurfaces sur lesquelles ils atterrissent ; qu’en jugeant que cette obligation s’impose tant au pilote qu’à l’exploitant, quand il était saisi d’un moyen péremptoire soulignant qu’il ne ressort ni des missions, ni des compétences de pilotes salariés d’aviser l’autorité administrative, que seules les compagnies aériennes utilisatrices des hélisurfaces responsables sont en mesure de transmettre techniquement cette déclaration et que le procès-verbal de synthèse concluait en conséquence que le manquement était imputable aux compagnies aériennes, le tribunal de police qui n’a pas établi la participation personnelle du contrevenant aux faits reprochés, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-1 et R. 610-5 du code pénal, ensemble les arrêtés du 6 mai 1995 et du 26 avril 2017. »

Réponse de la Cour

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7. Pour déclarer le prévenu coupable de violation de l’arrêté préfectoral du 26 avril 2017, le jugement énonce qu’aux termes de l’article 16 de l’arrêté interministériel du 6 mai 1995, les hélisurfaces sont utilisées sous la responsabilité du pilote commandant de bord ou de l’exploitant de l’aéronef.

8. Le jugement retient encore que, le 5 juillet 2018, un hélicoptère piloté par M. I… a été contrôlé sur l’hélisurface « Château de Pampelonne » sise sur la commune de Ramatuelle et que ce mouvement n’a pas été déclaré à la police aux frontières dans le délai prévu par l’article 8 de l’arrêté préfectoral du 26 avril 2017.

9. En statuant ainsi, et dès lors que l’infraction de non-déclaration préalable de l’utilisation d’une hélisurface est imputable tant au pilote commandant de bord de l’hélicoptère qu’à l’exploitant, le tribunal a justifié sa décision.

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10. Ainsi, le moyen n’est pas fondé.

14. Par ailleurs le jugement est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi (…)