L’article L.1224-1 du Code du travail, qui impose le transfert des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise, est d’ordre public et ne peut voir son application écartée. Si le redressement judiciaire de l’entreprise d’origine est prise en compte par ces textes, ce redressement n’est pas de nature par ailleurs à remettre en cause le transfert.
Ainsi dès lors que la liquidation judiciaire du locataire-gérant intervient, tous ses salariés sont automatiquement transférés au propriétaire du fonds de commerce, dès lors que les conditions posées par l’article L.1224-1 du Code du travail sont réunies. C’est ce que la Cour de cassation rappelle dans l’arrêt ci-dessous reproduit.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 03 avril 2024 (pourvoi n° 22-10.261 et s.)
1°/ M. [W] [D], domicilié [Adresse 5],
2°/ M. [S] [O], domicilié [Adresse 9],
3°/ M. [A] [I], domicilié [Adresse 4],
4°/ M. [N] [X], domicilié [Adresse 2],
5°/ M. [T] [E], domicilié [Adresse 6],
6°/ Mme [F] [R], épouse [Y], domiciliée [Adresse 10],
7°/ Mme [C] [B], domiciliée [Adresse 8],
ont formé respectivement les pourvois n° G 22-10.261, J 22-10.262, K 22-10.263, M 22-10.264, N 22-10.265, P 22-10.266 et
Q 22-10.267 contre sept arrêts rendus le 5 novembre 2021 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans les
litiges les opposant :
1°/ à la société Horizon, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [J] [U], domicilié [Adresse 7], pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Horizon,
3°/ à la société GM, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], représentée par M.
[G], prise en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Horizon,
4°/ à l’AGS CGEA de [Localité 11], délégation régionale du Sud Est, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
(…)
Faits et procédure
Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 5 novembre 2021) et les productions, la société Exploitation du festival,
locataire-gérante d’un fonds de commerce appartenant à la société Horizon (la société), a engagé M. [D] et six autres
salariés entre le 1er mai 2000 et le 8 juillet 2016.
Par jugement du tribunal de commerce du 24 janvier 2017, la procédure de redressement judiciaire ouverte au
bénéfice de la société locataire-gérante a été convertie en liquidation judiciaire et la société ISA, désignée en qualité de
liquidateur.
Le liquidateur judiciaire de la locataire-gérante a notifié à la société Horizon, par lettre du 6 février 2017, l’impossibilité
de poursuivre le contrat de location-gérance et l’intention de restituer le fonds à compter du jour de la liquidation
judiciaire.
Après le transfert de leurs contrats de travail à la société Horizon, celle-ci ayant refusé de verser les salaires pour la
période du 6 février au 31 mars 2017, les salariés ont saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, salariales et
indemnitaires.
Par jugement du tribunal de commerce du 15 octobre 2019, la société Horizon a été placée en redressement judiciaire,
M. [U] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et la société GM, prise en la personne de M. [G], a été désignée
en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
(…)
Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes et de fixer la date du transfert du contrat de
travail au 1er avril 2017, alors « que, sauf ruine du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur
judiciaire du locataire gérant entraîne automatiquement le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire et le
transfert des contrats de travail lesquels se poursuivent avec ce dernier ; qu’ayant retenu que la liquidation judiciaire du
locataire gérant avait été prononcée par jugement du 24 janvier 2017 et que, par lettre du 6 février 2017, le mandataire
liquidateur avait notifié à la société Horizon, bailleresse et propriétaire du fonds, l’impossibilité de poursuivre le contrat
de location gérance et son intention de restituer le fonds à compter du jour de la liquidation judiciaire en lui indiquant le
nom des salariés attachés au fonds et dont les contrats de travail étaient par conséquent transférés, la cour d’appel qui
pour fixer au 1er avril 2017, la date du transfert du contrat de travail de l’exposant et débouter ce dernier de ses
demandes relève par des motifs inopérants que les clés ont été reçues le 31 mars 2017 par la société Horizon et que
cette dernière n’avait pu exercer son activité commerciale qu’à compter du 1er avril suivant, sans rechercher ni
caractériser si, au moment de la rupture du contrat, le fonds était inexploitable ou en ruine, circonstance qui seule
pouvait s’opposer au transfert à cette date de l’entité économique dès lors que par l’effet de l’expiration du contrat de
location gérance, le fonds qui en était l’objet faisait automatiquement retour à son propriétaire lequel devait assumer
toutes les obligations du contrat de travail a violé, l’article L. 1224-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 1224-1 du code du travail :
Aux termes de ce texte, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par
succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours
au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Il en résulte que sauf ruine du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur judiciaire entraîne
le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire lequel doit assumer toutes les obligations du contrat de travail.
Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts constatent d’abord que le liquidateur a notifié au loueur, le 6
février 2017, l’impossibilité de poursuivre le contrat de location-gérance et son intention de restituer le fonds à compter
du jour de la liquidation judiciaire en précisant que la date d’entrée en jouissance du fonds de commerce était
conditionnée par les opérations d’inventaire.
Ils retiennent ensuite que la détermination de la consistance du fonds de commerce étant subordonnée aux
opérations d’inventaire, la date effective de la reprise doit être recherchée dans la mise en oeuvre des opérations de la
liquidation judiciaire et que les clefs permettant l’accès aux locaux et au matériel garnissant le fonds n’ont été adressées
que par courrier du 28 mars 2017 et reçues le 31 mars suivant par le propriétaire du fonds.
En statuant ainsi, alors que la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur dès le 6 février 2017 avait
entraîné le retour du fonds de commerce dans le patrimoine de son propriétaire lequel devait assumer, dès cette date,
toutes les obligations du contrat de travail, la cour d’appel a violé texte susvisé.
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)
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