Le Droit du licenciement économique a été construit de façon spécifique par le Législateur, et co-construit par la jurisprudence qui compléte les articles L.1233-1 et suivants du Code du travail. L’arrêt du 09 juin 2021 ci-dessous reproduit rappelle une précision déjà ancienne et constante, pour reprendre la formule consacrée, apportée par la Cour de cassation.

Ainsi l’employeur peut-il proposer une modification de leur contrat de travail, ou encore de leurs conditions de travail dans un contexte imposant l’accord des salariés concernés, en raison de difficultés économiques, de restructuration de l’entreprise, de mutation technologiques etc. On aura reconnu dans cette liste, l’élément « causal » du motif économique de licenciement tel que défini par la Loi.

En cas de refus du salarié, et si ce motif est réel et sérieux, la procédure de licenciement peut être engagée à son encontre. Mais elle doit l’être dans tous ses aspects, y compris s’agissant de l’obligation de reclassement.

Ainsi dans le cas d’espèce, la Chambre sociale a sanctionné les Juges du fond, qui ont confondu cette obligation de reclassement avec la phase antérieure à la procédure de licenciement. L’employeur a en effet décidé de fermer un établissement, et de muter les salariés concernés sur un autre site : la mutation exigeant l’accord des intéressés, un licenciement économique est engagé à l’encontre de l’une d’entre eux ayant refusé.

Or l’employeur n’a pas en l’occurence opéré de recherches de reclassement, se contentant d’évoquer le poste offert dans le cadre de la mutation, et refusé par la salariée : refus sans lequel aucun licenciement n’aurait pu être opéré ! La décision est cassée, et il est donc imposé dans cette hypothèse à l’employeur de proposer tous les postes disponibles ou possibles (au-delà de la modification du contrat, déjà proposée), et à défaut de justifier de l’impossibilité de tout reclassement.

COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, 9 JUIN 2021 (pourvoi n° 20-15.061, inédit)

(…)

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 janvier 2019), Mme [L] épouse [R] a été engagée le 8 septembre 2008 en qualité d’employée de piste par la société Bergon (la société) qui exploitait une station-service sous l’enseigne Total. Le 31 décembre 2010, le contrat liant les deux sociétés n’était pas renouvelé.

2. Le 9 février 2011, la société a proposé à la salariée un poste sur un autre site qu’elle a refusé le 7 mars 2011. La salariée a été convoquée, le 22 avril 2011, à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique et a accepté, le 11 mai suivant, la convention de reclassement personnalisé.

3. Contestant la rupture de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud’homale.

(…)

4. La salariée fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la proposition d’une modification du contrat de travail, que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a énoncé, sur l’obligation de reclassement, que la lettre du 9 février 2011 qui proposait à Mme [R], en raison de la réorganisation du site de [Localité 1], un emploi similaire sur le site de [Localité 2] avec prise en charge des frais de déplacement liés à ce changement, valait proposition de reclassement, de sorte qu’il convenait de considérer que l’employeur avait satisfait à cette obligation ; qu’en statuant comme elle a fait, alors que l’employeur étant tenu de proposer au salarié dont le licenciement était envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d’une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l’intéressé de les refuser, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

5. Il résulte de ce texte que la proposition d’une modification du contrat de travail pour motif économique refusée par le salarié ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement et par suite de lui proposer éventuellement le même poste dans l’exécution de cette obligation.

6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient notamment que la lettre de l’employeur du 9 février 2011 qui proposait à la salariée en raison de la réorganisation du site de [Localité 1], un emploi similaire sur le site de [Localité 2] avec prise en charge des frais de déplacement liés à ce changement, vaut proposition de reclassement, de sorte que l’employeur a satisfait à cette obligation.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

(…)

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)