Depuis les célèbres arrêts du 25 novembre 2015 et 17 mai 2016 (Cass. Soc. 25/11/2015 n° 14-24.744 ; Cass. Soc. 17/05/2016 n° 14-21.872), l’on considère que le salarié doit désormais systématiquement démontrer la nature et l’ampleur du préjudice qu’il subit, pour être légitime à réclamer en Justice une indemnisation de son employeur. Pourtant la Cour de cassation rappelle régulièrement que certains manquements de ce dernier, causent « nécessairement » au salarié un préjudice qu’il devra indemniser : ainsi en est-il par exemple en cas de violation d’une liberté fondamentale du travailleur, ou encore par exemple de l’irrégularité de la procédure de licenciement.
La solution est par ailleurs nuancée quant à l’organisation des élections professionnelles dans l’entreprise. Ainsi, comme le précise la Chambre sociale dans l’arrêt ici reproduit, si l’omission des élections partielles en cas de réduction de la représentation du personnel, ne cause pas automatiquement de préjudice aux salariés, l’absence d’élections alors que les conditions en sont réunies leur cause, au contraire, nécessairement un préjudice.
Cour de cassation, Chambre sociale, 4 novembre 2020 (pourvoi n° 19-12.775, publié au bulletin)
1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 29 novembre 2018), M. X… a été engagé par la société 2L Multimédia en 2008.
2. Il a saisi le 19 avril 2016 la juridiction prud’homale de demandes de dommages et intérêts notamment pour harcèlement moral, puis, à la suite de son licenciement intervenu le 20 janvier 2017, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Examen des moyens
Sur les trois premiers moyens, ci-après annexés
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour refus de mise en place des élections des délégués du personnel, alors « que des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des délégués du personnel titulaires est réduit de moitié ou plus ; qu’en déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts à raison du défaut d’organisation des élections par l’employeur après avoir constaté qu’il n’avait pas été procédé à de nouvelles élections avant juin 2016 en suite du départ des délégués titulaires en novembre 2013 et avril 2014, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légale de ses propres constatations au regard de l’article L. 2314-7 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. »
Réponse de la Cour
5. La Cour a jugé (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392 publié), qu’il résulte de l’application combinée de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l’article 8, § 1, de la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l’employeur qui, bien qu’il y soit légalement tenu, n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.
6. En revanche, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice lorsque, l’institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l’institution représentative du personnel, les salariés n’étant pas dans cette situation privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.
7. Il résulte de l’arrêt de la cour d’appel et des productions, d’une part, qu’à la suite des élections des délégués du personnel ayant eu lieu en avril 2013, les deux élus délégués du personnel titulaires ont quitté l’entreprise respectivement en novembre 2013 et avril 2014 et l’un des deux suppléants a également quitté l’entreprise en avril 2014, ce dont il résultait qu’un délégué du personnel était toujours présent et d’autre part que dès que le salarié avait demandé l’organisation d’élections partielles, l’employeur y avait procédé.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi (…)
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