Les articles L.1224-1 et suivants du Code du travail, qui en cas de transfert d’entreprise imposent le transfert automatique des contrats de travail au nouvel employeur, s’appliquent y compris lorsque ce dernier est un établissement public. Or ces textes sont d’ordre public « absolu », et ne peuvent être mis en échec même par des impératifs règlementaires propres à l’Administration.

Ainsi le nouvel employeur public doit-il poursuivre le contrat de travail de Droit privé, et par exemple rémunérer le salarié transféré, jusqu’à ce qu’il puisse l’intégrer par un contrat de Droit public, ou à défaut jusqu’à ce qu’il assume son licenciement selon la procédure prévue au Code du travail. C’est ce que rappelle opportunément la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous principalement reproduit.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 6 mars 2024 (pourvoi n° 22-22.315, publié au Bulletin)


La commune de [Localité 3], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité, [Adresse 1], a formé le
pourvoi n° K 22-22.315 contre l’arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d’appel de Toulouse (4e chambre, section
2), dans le litige l’opposant à Mme [V] [D], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
(…)
Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 16 septembre 2022), Mme [D] a été engagée en qualité de directrice adjointe enfance
    par contrat à durée indéterminée intermittent le 10 octobre 2016 puis le même jour, en qualité de directrice, par contratà durée déterminée à temps complet jusqu’au 31 août 2017, en remplacement de la titulaire du poste, par l’associationLoisirs éducation et citoyenneté grand sud (l’association), chargée par la commune de [Localité 3] (la commune) de gérerdeux centres de loisirs. Le 1er septembre 2017, elle a été nommée directrice enfance.
  2. La commune a repris la gestion directe des centres de loisirs à compter du 21 décembre 2017. Soutenant que la
    salariée ne disposait ni du brevet d’aptitude aux fonctions de directeur ni de l’un des diplômes et expériences qui y sont
    assimilés, nécessaires pour occuper les fonctions de directrice d’un centre de loisirs, la commune a refusé de la
    reprendre, ne lui a soumis aucun contrat de droit public et n’a mis en œuvre aucune procédure de licenciement.
  3. La salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
  4. (…)
    Enoncé du moyen
  5. La commune fait grief à l’arrêt de prononcer à ses torts la résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la salariée,
    la condamner à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, d’indemnité de
    licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque l’activité d’uneentité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette activité, reprise par une commune engestion directe, la personne publique repreneur n’est pas tenue de proposer un contrat de droit public aux salariés quine disposent pas de la qualification et/ou du diplôme réglementairement exigé pour occuper le poste occupéantérieurement à la reprise d’activité, sauf à lui imposer de proposer un contrat de travail irrégulier ; qu’il est constantque la fonction de directeur ou de directeur adjoint d’un centre de loisirs est réservée, sauf dérogation dûment eteffectivement accordée par le préfet pour une durée limitée, au titulaire de l’un des diplômes visés à l’article R. 227-14 ducode de l’action sociale et des familles, parmi lesquels le brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) ; qu’il
    résulte des constatations de la cour d’appel que Mme [D] n’était pas titulaire du brevet d’aptitude requis pour exercer lesfonctions de directrice ou directrice adjointe d’un centre de loisirs et qu’aucune dérogation n’avait été accordée au
    de l’exercice de l’activité litigieuse ; qu’en disant néanmoins que la commune de [Localité 3] devait proposer à Mme [D]
    un contrat de travail de droit public, quand un tel contrat aurait nécessairement méconnu les obligations réglementairesapplicables, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1224-3 ducode du travail et R. 227-14 du code de l’action sociale et des familles. »
    Réponse de la Cour
  6. Il résulte de l’article L. 1224-3 du code du travail qu’à la suite du transfert d’une entité économique, employant des
    salariés de droit privé, à une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, les contrats de travail en
    cours au jour de la modification subsistent entre le personnel de l’entreprise et le nouvel employeur qui est tenu dès la
    reprise de l’activité de continuer à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu’à ce que ceux-ci acceptent le contrat de droit public qui leur sera proposé, ou jusqu’à leur licenciement, s’ils le refusent ou s’il n’est pas possible pour la personne publique, au regard des dispositions législatives ou réglementairesdont relève son personnel, de maintenir le contrat de travail de droit privé en cours au jour du transfert ou d’offrir àl’intéressé un emploi reprenant les conditions de ce contrat.
  7. La cour d’appel a constaté que la commune, qui avait repris l’activité de l’association, avait refusé de reprendre la
    salariée qui occupait le poste de directrice, ne lui avait soumis aucun contrat de droit public et n’avait mis en œuvre aucune procédure de licenciement.
  8. Elle en a exactement déduit, le contrat de travail de la salariée ayant été transféré de plein droit à la commune, que
    celle-ci était tenue de payer les salaires à compter de la date à laquelle cette activité lui avait été transférée et a pu
    retenir que les manquements de la commune à ses obligations rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et justifiaient la résiliation.
  9. Le moyen n’est donc pas fondé.

    PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)