On sait que le statut de gardien d’immeuble est spécifique, la Convention collective nationale organisant un statut collectif original et, par bien des aspects, dérogatoire au Code du travail. Ainsi en est-il par exemple en matière de durée de travail, de logement de fonction, ou de rémunération etc.
Or la Cour de cassation rappelle qu’une protection supplémentaire peut être accordée à ce salarié, lorsque son employeur (même de Droit privé) est investi d’une mission de service public. En effet des gardiens d’immeuble peuvent être recrutés par un office de HLM, une association de collectivités territoriales (résidence de tourisme), ou encore une régie municipale etc.
Or dans ces hypothèses le gardien devient une » personne chargée, directement ou indirectement, d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, peu important qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique » : un outrage ou une voie de fait commise à son encontre est donc pénalement punie de façon spécifique. C’est ce que rappelle la Chambre criminelle dans l’arrêt principalement reproduit ci-dessous.
COUR DE CASSATION, Chambre criminelle, 8 AVRIL 2025 (pouvoir n° 23-86.596, publié au Bulletin)
Mme [K] [L], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 10 novembre 2023, qui l’a déboutée de ses demandes après relaxe de Mme [C] [D] du chef d’outrage.
(…)
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [C] [D] a été poursuivie du chef d’outrage envers une personne chargée d’une mission de service public, la plaignante exerçant les fonctions de gardienne d’immeuble pour le compte de la Régie immobilière de la ville de [Localité 1].
3. Par jugement du 8 octobre 2021, le tribunal correctionnel a déclaré la prévenue coupable et l’a condamnée à indemniser le préjudice de la plaignante.
4. Mme [D] a relevé appel de cette décision, et le ministère public appel incident.
(…)
Enoncé du moyen
7. Le moyen, pris en ses première et deuxième branches, critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a relaxé la prévenue des fins de la poursuite et a en conséquence débouté la partie civile de ses demandes d’indemnisation, alors :
« 1°/ que l’outrage est caractérisé lorsque des paroles, gestes ou menaces sont adressés à une personne chargée d’une mission de service public ; que l’existence d’une mission de service public ne dépend pas de l’attribution de prérogatives de puissance publique ; qu’en considérant que « pour être chargée d’une mission de service public une personne doit s’être vu confier la gestion d’une politique qui relève des prérogatives des pouvoirs publics », pour en déduire que la partie civile n’était pas chargée d’une mission de service public, la cour d’appel a méconnu l’article 433-5 du code pénal ;
2°/ que l’outrage est caractérisé à l’égard d’une personne chargée d’une mission de service public, au nombre desquelles figurent les agents exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance d’immeubles à usage d’habitation ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt que la partie civile exerçait des fonctions de gardienne d’immeubles abritant des logements sociaux pour la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 1], en sorte qu’elle était chargée d’une mission de service public et que les agressions verbales poursuivies relevaient de l’infraction d’outrage ; qu’en retenant que tel n’était pas le cas, la cour d’appel a méconnu l’article 433-5 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 433-5 du code pénal :
8. Selon ce texte, constituent un outrage les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.
9. Pour dénier à la plaignante, gardienne d’immeuble pour le compte de la Régie immobilière de la ville de [Localité 1], la qualité de personne chargée d’une mission de service public, l’arrêt attaqué énonce que son employeur est une société anonyme à conseil d’administration et qu’il n’est donc pas établi que la salariée se soit vu confier la gestion d’une politique publique et soit ainsi chargée d’une mission de service public.
10. En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
11. En effet, doit être regardée comme chargée d’une mission de service public, au sens de l’article 433-5 du code pénal, toute personne chargée, directement ou indirectement, d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, peu important qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique.
12. En l’espèce, la partie civile exerce les fonctions de gardienne d’immeuble pour le compte d’un bailleur social, et ses fonctions participent à satisfaire à l’intérêt général de sécurité et de tranquillité des lieux défendu par les pouvoirs publics, ainsi qu’en témoigne la convention de partenariat signée à cette fin entre le préfet, le procureur de la République, la commune et le bailleur social concerné qui est produite au débat.
13. À ce titre, la partie civile, qui a dénoncé des faits survenus dans l’exercice de ses fonctions, devait se voir reconnaître la qualité de personne chargée d’une mission de service public au sens de l’article précité.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu’il y ait lieu d’examiner le troisième grief.
(…)
PAR CES MOTIFS (…) CASSE et ANNULE (…)
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