Le délit de travail dissimulé est puni de peines d’emprisonnement et d’amende, auxquelles s’ajoutent le cas échéant des peines complémentaires. Au-delà des mesures de publication des condamnations, ou d’exclusions des aides et marchés publics, les sanctions financières sont les plus redoutables pour l’entreprise coupable, complice ou bénéficiaire : ainsi en est-il par exemple de la solidarité socio-fiscale entre ces partenaires, ou de la confiscation des outils ou produits de l’infraction.
Mais même en cours d’enquête, et alors que le Juge pénal n’a pas encore tranché, des mesures contraignantes financières peuvent être décidées. Des saisies sur compte bancaire peuvent notamment être mises en oeuvre pendant l’instruction, en vue d’empêcher la poursuite du comportement délinquant et de provisionner le paiement des éventuelles peines, indemnisation et pénalités financières qui pourraient par la suite être prononcées.
La Cour de cassation illustre ce type de mesure dans l’arrêt ci-dessous reproduit, et en consacre l’efficacité. Ainsi même quand une telle saisie des comptes bancaires a été annulée, et que les sommes ont été reversées au mis en examen, cela n’empêche pas le Juge de statuer sur le recours à l’encontre de la décisions d’annulation ; de même le Ministère Public peut très bien saisir un compte ayant déjà fait l’objet d’une saisie parallèle au profit de l’URSSAF.
COUR DE CASSATION, Chambre criminelle, 12 février 2025 (pourvoi n° 24-81.224, publié au Bulletin)
La société [1] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 2e section, en date du 30 janvier 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 10 janvier 2023, pourvoi n° 21-86.778), dans la procédure suivie du chef de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, a infirmé l’ordonnance de mainlevée de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.
(…)
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte à l’encontre de la société [1] pour des faits de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, les enquêteurs ont procédé, le 20 janvier 2020, sur autorisation du ministère public, à la saisie de deux comptes ouverts au nom de la société dans les livres de la banque [2], pour un montant total de 1 166 046, 59 euros.
3. Par ordonnance du 30 janvier 2020, le juge des libertés et de la détention a rejeté la requête du procureur de la République aux fins de maintien de cette saisie pénale.
4. Le ministère public a relevé appel de la décision.
(…)
6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a dit l’appel du ministère public bien fondé, a infirmé l’ordonnance entreprise et a ordonné le maintien des saisies pénales réalisées le 20 janvier 2020 sur les comptes créditeurs ouverts au nom de la société [1] dans les livres de la banque [2] pour un montant de 1 166 046, 59 euros, alors :
« 1°/ qu’une saisie n’est possible que sur des biens disponibles et donc appréhensibles par l’autorité judiciaire ; tel n’est pas le cas d’une somme saisie au profit de l’Urssaf sur un compte bancaire, et donc indisponible pour le ministère public qui entend ultérieurement saisir la même somme ; en déclarant que l’appel du procureur de la République contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant le maintien d’une saisie avait encore un objet, quand il résulte des pièces non contestées de la procédure qu’entre temps l’Urssaf avait saisi sur son compte la totalité des sommes en cause, et en validant la saisie parallèle du parquet qui pourtant n’était plus possible à raison de l’indisponibilité des fonds, la chambre de l’instruction a violé l’article 131-21 du code pénal et les articles 706-141 et 706-154 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter le moyen tiré de la perte d’objet de l’appel interjeté et ordonner le maintien de la saisie de sommes sur un compte bancaire, l’arrêt attaqué énonce que faire droit au moyen développé dans les écritures de la société [1] et déclarer l’appel sans objet au motif que les fonds initialement saisis ont été restitués par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) reviendrait à vider de toute substance la notion même d’appel lorsque, comme en l’espèce, ce recours n’est pas suspensif.
8. En statuant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
9. En premier lieu, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, il appartient à la chambre de l’instruction, saisie d’un recours formé contre une ordonnance de mainlevée de saisie de sommes d’argent inscrites au crédit d’un compte bancaire rendue par le juge des libertés et de la détention au cours de l’enquête, de se prononcer sur la légalité et le bien-fondé de cette mesure, alors même que l’appel ne présentant pas de caractère suspensif, la saisie a été levée.
10. En second lieu, d’une part, les éventuelles difficultés d’exécution d’une saisie pénale n’affectent pas son prononcé ou son maintien, d’autre part, la mesure de saisie pénale, à laquelle l’arrêt infirmatif de l’ordonnance de refus de maintien de saisie pénale a rendu son plein effet, n’est pas susceptible d’être affectée par la saisie conservatoire de fonds déposés sur un compte distinct, pratiquée postérieurement à la mainlevée de la saisie pénale et pour un montant équivalent à celle-ci.
11. Ainsi, le moyen doit être écarté.
(…)
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)
Commentaires récents