La prescription de l’action judiciaire devant le Conseil de prud’hommes est soumise à un régime spécifique, fixé essentiellement par le Code du travail, et amplement dérogatoire au régime de Droit commun. On se souvient souvent des délais de prescription, traditionnellement plus courts que les délais prévus au Code civil.

Mais l’arrêt ci-dessous reproduit est l’occasion de rappeler une autre règle originale, relative à l’interruption de la prescription. Ainsi la saisine du Conseil de prud’hommes interrompt-elle la prescription au profit du demandeur, mais encore au profit du défendeur s’il forme des demandes reconventionnelles afférente au même contrat de travail.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 9 novembre 2022 (pourvoi n° 21-15.763, inédit)

M. [D] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-15.763 contre l’arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l’opposant à la société Groupe Cayon, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

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Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 10 mars 2021), M. [Z] a été engagé par la société Groupe Cayon (la société) le 14 novembre 1977 en qualité de conducteur poids lourds. Au dernier état de sa collaboration, il percevait une rémunération mensuelle brute de 2 503 euros pour 199,33 heures de travail correspondant à sa qualification de conducteur longue distance. Il a exercé divers mandats de représentant du personnel.

2. Le 31 décembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes de rappels de salaire et de frais de déplacement.

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4. La société fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, sa demande reconventionnelle en répétition de l’indu au titre des frais de déplacement, alors « que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent l’exécution du même contrat de travail, cet effet interruptif s’étendant aux demandes reconventionnelles de la partie adverse dérivant du même contrat de travail ; qu’en l’espèce, la saisine par le salarié du conseil de prud’hommes, intervenue le 31 décembre 2012 selon les constatations de l’arrêt, avait donc interrompu la prescription à l’égard de toutes les demandes concernant l’exécution du même contrat de travail, auraient-elles été présentées en cours d’instance par la société ; qu’en déclarant prescrite la demande de l’employeur de remboursement de frais de déplacement indûment pris en charge du 19 juin 2008 au 1er octobre 2009 au prétexte qu’elle n’avait été formulée pour la première fois qu’à l’audience du conseil de prud’hommes du 3 octobre 2016, la cour d’appel a violé l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et l’article 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 du code civil et L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

5. Il résulte de ces textes que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent l’exécution du même contrat de travail.

6. Pour déclarer irrecevable, comme prescrite, la demande reconventionnelle de la société en répétition de l’indu au titre des frais de déplacement, l’arrêt retient que la demande en restitution de l’indu au titre des frais de déplacements payés par la société au cours des années 2008 et 2009 n’a été formulée pour la première fois qu’à l’audience du conseil de prud’hommes de Lyon du 3 octobre 2016 et que le délai de prescription quinquennal était écoulé à cette date.

7. En statuant ainsi, alors que la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud’hommes par le salarié le 31 décembre 2012, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS …) : (…) CASSE ET ANNULE (…)