Depuis l’arrêt Air France du 25 novembre 2015, la Cour de cassation ne cesse de revenir sur la notion de « préjudice nécessaire », et de tracer le contour des indemnisations pour lesquelles le salarié n’a pas à faire la preuve du préjudice dont il se prévaut. Dans l’arrêt ci-dessous reproduit par extrait, la Chambre sociale retient que le dépassement de la durée (quotidienne) maximale de travail cause nécessairement un préjudice au travailleur, si bien qu’il n’a pas à démontrer l’avoir subi.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 11 mai 2023 (pourvois n° 21-22.281 et 21-22.012, publié au Bulletin)
I – Mme [K] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-22.281,
II – Mme [M] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-22.012,
contre l’arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige les opposant.
(…)
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2020), Mme [H] (la salariée) a été engagée le 1er mars 2012 par contrat à durée indéterminée en qualité de préparatrice en pharmacie, responsable EHPAD, par Mme [D] (l’employeur).
3. La salariée a été licenciée le 30 mars 2015.
4. La salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
(…)
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour dépassement de l’amplitude horaire journalière, alors « que la méconnaissance des dispositions impératives relatives aux durées maximales de travail cause nécessairement un préjudice au salarié ; qu’en retenant pourtant, après avoir constaté que la salariée avait exécuté des journées de travail de plus de 10 heures, qu’ »elle ne démontre avoir subi aucun préjudice à ce titre, lequel ne peut être nécessaire mais doit être établi », la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »
(…)
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 3121-34 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
7. Aux termes du texte susvisé, la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.
8. Ces dispositions participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
9. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour dépassement de l’amplitude horaire journalière, l’arrêt, après avoir constaté qu’elle avait exécuté des journées de travail de plus de dix heures, retient que l’intéressée ne démontre pas avoir subi un préjudice à ce titre.
10. En statuant ainsi, alors que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
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PAR CES MOTIFS (…) : (…) CASSE ET ANNULE (…)
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