Le Code de la santé publique interdit à l’assureur d’exiger du candidat à l’assurance, lequel est pourtant tenu de déclarer les informations dont il dispose et qui peuvent influencer la prise en charge du risque, de se livrer à des tests génétiques. L’employeur a intérêt de vérifier, sur ce point, le respect de ces dispositions lorsqu’il met en oeuvre le régime de protection sociale complémentaire (complémentaire maladie, prévoyance ou retraite) en vigueur dans l’entreprise.

Par conséquent l’assureur ne peut détourner cette garantie des droits et libertés fondamentaux, au prétexte de la déclaration par l’assuré des traitement ou surveillance médicaux dont il fait l’objet au moment de la souscription de la garantie. La Cour de cassation assure en effet strictement la protection de ladite garantie individuelle.

Illustration de cette sévérité est donnée par l’arrêt ci-dessous reproduit, où le Juge revient sur l’annulation des garanties décidée par l’assureur en raison de la dissimulation par l’assuré de mesures d’explorations génétiques aux fins de recherche et de diagnostic d’une potentielle maladie héréditaire. Même si les enfants de l’intéressée avaient déclaré la maladie, et que c’est pour cette raison qu’une telle recherche était menée, en aucune manière ces tests génétiques n’avaient à être déclarés au moment de la conclusion de la police d’assurance.

COUR DE CASSATION, 2ème Chambre civile, 31 août 2022 (pourvoi n° 20-22.317, publié au Bulletin)

Mme [Z] [V], épouse [J], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-22.317 contre l’arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d’appel de Douai (3e chambre), dans le litige l’opposant à la société Generali vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

(…)
Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 8 octobre 2020), Mme [V], après avoir répondu, le 1er septembre 2013, à des questionnaires de santé, a adhéré le 5 septembre 2013 à un premier contrat d’assurance de groupe « Atoll professions paramédicales » et le 10 septembre 2013 au second « La retraite », proposés par la société Generali vie (l’assureur).

2. À la suite d’un arrêt de travail du 13 avril 2015, s’étant poursuivi jusqu’au 29 février 2016, Mme [V] a demandé à l’assureur le bénéfice des garanties de ces contrats.

3. L’assureur lui ayant refusé sa garantie en invoquant une omission sur ses antécédents médicaux, avant de l’informer de l’annulation du contrat « Atoll professions paramédicales » et de celle de la garantie « exonération des cotisations » du contrat « La retraite », Mme [V] l’a assigné devant un tribunal aux fins de paiement de sommes en exécution desdits contrats et d’indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d’office

4. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances et les articles L. 133-1 et L. 1141-1 du code de la santé publique :

5. Il résulte du premier de ces textes que l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge, et du deuxième texte que le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.

6. Selon le dernier de ces textes, auquel renvoie le troisième en ce qui concerne les conditions d’accès à l’assurance contre les risques d’invalidité ou de décès, les assureurs qui proposent une garantie de tels risques ne doivent pas tenir compte des résultats de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à de tels tests avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci.

7. Pour prononcer la nullité des contrats de groupe litigieux et rejeter l’intégralité des demandes de Mme [V], après avoir retenu que si la maladie de Steinert ne lui avait été diagnostiquée que le 2 septembre 2013, l’arrêt énonce que Mme [V] ne pouvait manifestement pas faire abstraction, à la date de la déclaration de risques, le 1er septembre 2013, de ce qu’elle faisait l’objet depuis juin 2012 d’explorations génétiques aux fins de recherche et de diagnostic chez elle d’une potentielle maladie génétique héréditaire, dont sont atteints ses deux enfants, ce dont il résulte que les examens auxquels elle s’est soumise avaient une vocation de dépistage et un rôle préventif et que, par conséquent, en répondant « NON » à la question 3c « Êtes-vous actuellement sous traitement ou surveillance médicale (y compris dans le cadre d’une grossesse pathologique) ? » et en omettant d’indiquer qu’elle faisait l’objet d’une surveillance médicale dans le cadre d’une recherche et d’un diagnostic de maladie génétique héréditaire depuis plus d’un an, Mme [V] a commis une fausse déclaration et une réticence dont les caractères intentionnels ressortent de ce qu’elle ne pouvait à l’évidence pas avoir oublié les examens génétiques auxquels elle se soumettait, ainsi que ses deux enfants, depuis juin 2012 et en particulier aux mois de juillet et août 2013, pas plus qu’elle ne pouvait avoir ignoré leurs conséquences en cas de diagnostic d’une maladie génétique héréditaire.

8. L’arrêt ajoute que cette dissimulation intentionnelle a trompé l’assureur sur la réalité de la situation médicale de l’adhérente, ce qui a modifié l’appréciation du risque dont elle sollicitait la garantie, alors que le potentiel diagnostic d’une maladie génétique héréditaire est de nature à influer nécessairement sur cette appréciation.

9. En statuant ainsi, alors que l’assureur, qui propose une garantie des risques d’invalidité ou de décès, ne peut poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, et que la personne ayant procédé à de tels tests n’est pas tenue d’en faire mention dans ses réponses au questionnaire de santé qui lui est soumis, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait de lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE