La grossesse et la maternité font l’objet d’une protection sévère par la règlementation sociale, en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail de la salariée, mais aussi son emploi. Ainsi son licenciement est notamment interdit pendant la période protégée, et sa nullité serait encourue à défaut.

Or l’employeur ne peut même pas engager la procédure de rupture pendant ladite période, puisque cela constitue une mesure préparatoire au licenciement. C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 29 novembre 2023

Mme [Y] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-15.794 contre l’arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l’opposant à la société Comparadise groupe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
(…)

Exposé du litige

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2022), Mme [X] a été engagée en qualité de chef de projet internet à compter du 7 octobre 2013, par la société Compamut, devenue Compassu, aux droits de laquelle vient la société Comparadise groupe. La salariée exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable marketing.

2. Le contrat de travail de la salariée a été suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après, la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018.

3. Par lettre du 16 janvier 2018, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 10 avril 2018. L’intéressée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai suivant.

Moyens

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes de nullité du licenciement pour motif économique et de réintégration ainsi que de ses demandes afférentes à la rupture, alors « qu’il est interdit non seulement de notifier une décision de licenciement pendant la période de protection visée à L. 1225-4 du code du travail, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision ; qu’au cas présent, la cour d’appel, après avoir relevé que la période de protection prenait fin le 6 avril 2018, a constaté qu’une convocation à entretien préalable au licenciement avait été adressée à Mme [X] le 16 janvier 2018 et que les délégués du personnel avaient été consulté le 12 janvier 2018 sur un projet de licenciement pour motif économique concernant le poste de responsable marketing attaché à l’établissement parisien de la société ; que pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, la cour d’appel a cru pouvoir retenir que la société Comparadise n’avait accompli aucun acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection ; qu’en statuant ainsi quant la matérialité des actes préparatoires était établie, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l’article L. 1225-4 susvisé ensemble l’article 10 de la directive 92 / 85 du 19 octobre 1992 et de l’article 15 de la directive 2006 / 54 du Parlement Européen et du Conseil du 5 juillet 2006. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l’article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, qu’il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

6. Ainsi, l’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l’entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période.

7. Pour dire que l’employeur n’a pas procédé à un acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection et débouter en conséquence la salariée de sa demande de nullité de son licenciement, l’arrêt énonce que l’intéressée ne peut valablement se prévaloir de sa convocation à entretien préalable notifiée pendant sa période de protection, ni de la réunion des délégués du personnel le 12 janvier 2018, pour soutenir que la décision de la licencier était prise en l’absence de tout élément objectif venant caractériser cette volonté de l’employeur.

8. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l’employeur avait engagé la procédure de licenciement pendant la période de protection dont bénéficiait la salariée à l’issue du congé de maternité, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande d’annulation de son licenciement et des demandes subséquentes n’emporte pas cassation des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci et non remises en cause.

Dispositif

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)