Alors que la Loi organique d’urgence sanitaire (n°2020-365 du 30 mars 2020) a été es-qualité soumise au Conseil constitutionnel, et validée (décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020), la loi d’urgence du 23 mars 2020 est soumise pour la première fois au Juge suprême à l’occasion d’une QPC. Il s’agit de vérifier la constitutionnalité de la sanction pénale relative à la récidive de déplacement sans attestation conforme, en vigueur entre le 17 mars et le 10 mai 2020.

Si une amende contraventionnelle forfaitaire a été en effet prévue pour contrôler ces déplacements (plusieurs dizaine de milliers de contestation actuellement en cours…), la récidive quatre fois est qualifiée de délit par l’article L.3136-1 du Code de la santé publique. La Cour de cassation a donc décidé de transmettre la question au Conseil constitutionnel : nous aurons sa position dans quelques mois.

Cour de cassation, chambre criminelle, QPC, 13 mai 2020 (pourvoi n°20-90.004)

1. La question prioritaire de constitutionnalité transmise est ainsi rédigée :

«  Les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique, créé par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe de légalité des délits et à l’exigence pour le législateur d’épuiser sa propre compétence, ainsi qu’au principe de la présomption d’innocence ? »

2. La disposition contestée est applicable à la procédure seulement en ce qu’elle prévoit la violation d’interdictions édictées en application du 2° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique. Elle n’a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

3. Il n’y a donc pas lieu à renvoi de la question en tant qu’elle porte sur des dispositions de l’alinéa contesté qui, renvoyant à la violation d’autres interdictions ou obligations, ne sont pas applicables à la procédure.

4. La question posée présente un caractère sérieux en ce que la disposition contestée est susceptible de porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et au principe de la présomption d’innocence garantie par son article 9.

5. En effet, le législateur a créé un délit caractérisé par la répétition de simples verbalisations réprimant la méconnaissance d’obligations ou d’interdictions dont le contenu pourrait n’être pas défini de manière suffisamment précise dans la loi qui renvoie à un décret du Premier ministre.

6. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel en ce qu’elle porte sur les dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique qui incriminent la violation d’interdictions ou obligations édictées en application du 2° de l’article L. 3131-15 du même code.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu’elle porte sur les dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique qui incriminent la violation d’interdictions ou obligations édictées en application du 2° de l’article L. 3131-15 du même code ;

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu’elle porte sur les autres dispositions de l’alinéa contesté ; (…)